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CENTENAIRE GABRIEL FAURE. CONJUGUER POESIE ET MELODIES.

Un article rédigé par Philippe Soler "Tous mélomanes" - RCF, le 18 décembre 2024 - Modifié le 18 décembre 2024

La poésie, langage de l’invisible, mariage du conscient et de l’inconscient, l’art de suggérer.

photo Philippe Solerphoto Philippe Soler

Au fil des mots, au fil de la sonorité des syllabes, de leurs couleurs, les accents, les coupes, les pauses, le mouvement, le rythme, des impressions, des sensations, des émotions vont apparaitre. Un poème pourra faire surgir en nous des images, des couleurs, et parfois même un parfum. Goethe écrira que la poésie n’est rien d’autre qu’une pensée dans une image. Voltaire quant à lui, nous dira qu’elle n’est que musique et que pour la juger, il nous faudra tout d’abord l’entendre. Je ne peux qu’abonder dans le sens de Voltaire, car le musicien que je suis sera tout d’abord sensible dans une poésie à son rythme, à l’agencement des strophes, à la richesse, aux sonorités des rimes. Cela passera par l’oreille avant que de n’atteindra le cœur, la pensée. La poésie est musique, musique pure et pourrait se suffire à elle-même. Ce qui va être fascinant, c’est de voir comment nos compositeurs, nos musiciens vont s’emparer de ses mots, se les approprier afin de réécrire la partition, défiant par là même la musique interne d’un poème. Mettre des notes sous des mots, mettre des mots sur des notes, apprivoiser quelques vers, quelques rimes, afin de les soumettre à sa ligne de chant.

 

Naissance de la mélodie en France

 

On pourra parler en France de mélodies, à partir du moment où notre poésie va s'opposer au mouvement romantique allemand, va se retourner contre ce lyrisme, contre cet excès de sensiblerie, cet excès de mélancolie chronique. Nos poètes vont favoriser l'objectivité. On va prendre une distance, une certaine neutralité face aux choses. L'art pour l'art, la recherche du beau, la forme, une érudition, une écriture ou la poésie va se faire musique, ou la poésie va laisser place à un rythme intérieur, son rythme propre. Tout commencera avec Théophile Gautier, et les Nuits d’été de Berlioz, et nous amènera à Verlaine, Mallarmé. La poésie du Parnasse en direction des symbolistes. Mallarmé revendiquera pleinement l’élitisme, disant que si l’homme peut être démocrate, l’artiste quant à lui se doit d’être aristocrate. Pour lui, il nous faudra aller chercher derrière les lettres, derrière le verbe ce qui n’est pas visible. Pour Mallarmé la poésie ne sera rien d’autre que suggestion. L’objet est symbolisé par des images, des images allusives. L’émotion se doit d’être intellectuelle et le mot, le vers aura valeur musicale. Et pourtant Fauré ne mettra jamais en musique Mallarmé. Pour cela il nous faudra attendre Debussy et Ravel, ce dernier considérant Mallarmé comme le plus grand poète français de son temps. 

 

Les poètes de Gabriel Fauré                                                                    

Fauré choisira comme décor la confidence lyrique, le poème intimiste avec ses thèmes de toujours, l’amour, la mort, la foi. Dire les choses les plus intimes avec juste ce qu’il faut de notes. Il nous chantera les vers d’un Sully Prudhomme ou d’un Leconte de Lisle, avec une rare perfection. Il saura faire sienne la versification irrégulière d’un poème, comblant les manques par des lignes pianistiques en contrechant, avec de magnifiques entrelacements. Il allongera à des fins expressives certains mots clés d’un poème, il les agrandira symboliquement afin de leur donner plus de poids. Les mélodies de Fauré ne seront autre que bonheur, tendresse, volupté, abandon, tout ce qui fera la nature profonde de Fauré. Et puis il y aura Verlaine. Des mots, des syllabes choisis pour leur couleur musicale. Avec Verlaine, le réel s’estompe. Sa poésie s’écoute. Les mots s’en vont danser et notre poète, en un instant, se métamorphosera en un chorégraphe du verbe. Fauré sautera à pied joint dans l’univers des « Fêtes galantes ». Il composera un recueil amoureux, un recueil lumineux avec ses doutes, ses ruptures. L’insouciance de ses galanteries teintées d’un soupçon de perversité. Ces tableaux qui murmuraient vont revivre, vont prendre la parole dans un souffle, un souffle d’une douceur extrême.

 

Vers d’autres horizons, vers l’épure 

 

Fauré, conforté par le peu d'intérêt qu'il suscite auprès du grand public, va s’enfermer dans un art confidentiel. Un genre pour mélomanes avertis. Il va tendre vers un dépouillement du discours. Ambitus restreint, lignes vocales avec peu d’ampleur, dynamiques et contrastes moins affirmés, avec ce besoin absolu d'abstraction, un art de plus en plus subtil, s’évadant vers d’autres horizons, des horizons chimériques. Fauré va s’isoler. Fauré va s’emmurer dans son écriture. Dénuement. Epure. Il va se faire moderne, il va se jouer de la dissonance sans se soucier de l’air du temps. Il va évoluer à sa manière, se démarquant des autres et aussi paradoxal que celui puisse paraitre, il ne fera pas école. Il saura mettre en avant, il saura chanter une phrase, un mot pour ce qu’il est, pour sa couleur, la couleur du verbe, remplir les syllabes, remplir les voyelles.

Philippe Soler. Vendredi 20 décembre à 16h, « Tous Mélomanes » Autour de la mélodie de Fauré

                                                                                         

                                                                                                                 

 

                                                                                           

                                                                    

 

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