Le breton Christian Gourcuff, ancien entraîneur et joueur de football, se confie sur l'aspect tactique du football dans un livre sorti le 23 février en librairie. Dans : Christian Gourcuff, Ma quête du jeu idéal, publié chez Amphora, il est en conversation avec le journaliste sportif Julien Gourbeyre. L’ancien coach du FC Lorient a accepté de répondre à nos questions.
-Christian Gourcuff, vous êtes né dans le Finistère, vous avez été joueur de football, puis 26 ans entraîneur à Lorient entre 1991 et 2001 puis entre 2003 et 2014. Le 23 février dernier est sorti en librairie : Christian Gourcuff, ma quête du jeu idéal’. Pourquoi avoir accepté de répondre aux questions de Julien Gourbeyre ?
Je l’ai fait après pas mal d'hésitations, parce que j'avais mis un point final à ma carrière et je ne souhaitais pas trop revenir dessus. Mais comme j'ai déjà participé au magazine de Julien Gourbeyre, que je le connais bien, c'était bien de faire une synthèse de ce que j'avais fait pendant 40 ans de carrière et sur les aspects techniques.
-À qui s'adresse ce livre de préférence ?
Tous ceux qui s'intéressent au foot. Peut-être ceux qui ont suivi ma carrière principalement. Et puis aussi des éducateurs, c'est quand même un livre sur la technique.
-La tactique prend une grande place dans cette publication, avec des graphiques pour illustrer. C'était important de revenir sur la tactique du football pour le grand public ?
D'abord, c'est une conception du jeu, qui est presque une philosophie. Philosophie de vie aussi, parce que j'aurais pu m'étendre davantage encore sur les aspects sociologiques, qui ont un impact aussi sur le jeu, sur la façon de concevoir le jeu et après de mettre en pratique.
-Du côté du spectateur, l'aspect tactique est plutôt en retrait. On parle surtout des résultats des joueurs, de l'arbitre, du contexte, mais pas souvent tactique, c'est un défaut selon vous ?
Maintenant le football intéresse beaucoup de gens en termes de spectacle ou de produits, moins en termes de jeu, avec tout ce que ça sous-entend derrière. Parce que ce sont des valeurs qui sont un peu galvaudées maintenant dans la société. Ce qui est intéressant c'est de voir l'évolution de la société depuis je dirais 50 ans, avec des incidences évidemment sur ce qui se passe autour des terrains, de l'environnement, des structures financières des clubs, des supporters, des joueurs, tout un environnement qui a été modifié. Les valeurs du foot ne sont plus les mêmes que celles d’il y a 30 ans.
-Dans cet entretien, vous parlez beaucoup des influences des autres équipes et des autres entraîneurs. C'est la base de regarder ce qui se passe ailleurs ?
Oui, on ne peut pas être dans une bulle. D'abord la première chose, ce que je regrette un peu, c'est que c'est surtout le passé qui est quand même une source d'inspiration. Bien sûr, de savoir un peu ce qui se passe, l'évolution du système actuel du jeu, parce qu'il y a des choses qui ont été modifiées, c’est important. On doit aussi être capable de s'adapter, en tout cas de faire face.
-Christian Gourcuff, aujourd'hui il y a de nouveaux outils d'analyse, avec le numérique notamment. Quelle vision vous avez de ça ?
C'est une grande force, je parle de la vidéo notamment. C'est un outil pédagogique extraordinaire. Je l'ai utilisé dans les 10 dernières années de ma carrière et je regrette de ne pas avoir eu la possibilité de l'avoir à disposition auparavant. Sur le plan pédagogique, c'est extraordinaire de voir ce qu'on fait, tout de suite et de corriger des choses. C'est un gain de temps, c'est une façon aussi de bien marquer les esprits, c'est formidable. Après, il y a tout un aspect au niveau des statistiques, ça permet de conforter les idées. Mais ça ne remplace pas l'idée du foot et je pense que maintenant il y a beaucoup d'incompétence [au niveau des choix]. Tout repose sur des aspects individuels et notamment sur les statistiques individuelles qui efface justement la notion de relation entre les joueurs, qui est en fait la richesse du jeu.
-Le football aujourd'hui vous dites que vous ne le suivez pas comme avant, vous n'avez pas forcément le même attrait qu'avant. Pourquoi ?
J'ai quand même passé pas mal de temps dans le milieu, même si ça reste une passion, il faut savoir tourner la page. Dans les dernières années, je n’avais plus vraiment de plaisir à regarder des matchs. Tout de même certains matchs de très haut niveau, certaines équipes, mais je le faisais plutôt de façon professionnelle. Il y a certainement eu une usure. J’ai moins de plaisir à regarder les matchs avec un environnement dans lequel je suis complètement en décalage. Avec la structure des clubs, les incidences sur les transferts, l’aspect financier…
-Parlons des recrutements, vous le dites il faut ‘’un recrutement choisi et non pas un recrutement subi’’. Est-ce-que dans votre carrière, vous avez plus subi ou choisi ?
À Lorient, j'étais privilégié, je n'étais non pas décisionnaire mais on me consultait, en tout cas dans le recrutement. C'est un travail d'équipe, avec des responsabilités, qui étaient partagées sur le plan financier. Puis quand j'ai vu que mon avis ne comptait plus, je suis parti. Plus tard, à Rennes j'ai été confronté à la même chose, c'est-à-dire des décisions qui sont prises au-dessus.
-Parlons de votre fils Yoann Gourcuff, qui fait d'ailleurs la préface de cette publication, vous l’avez coaché mais aussi affronté. C'est assez particulier quand même non ?
Oui, très très difficile. Sur le plan émotionnel, c'était très fort, très difficile à supporter dans ces moments-là. Nos émotions sont contradictoires, avec la volonté de gagner. Et c'est vrai que pour lui, c'était encore plus dur parce qu'il était sur le terrain.
-Et pour vous, Christian Gourcuff, votre dernier poste en tant qu'entraîneur, c'était en 2019-2020, avec le FC Nantes. Depuis, vous avez décidé de vous retirer, c'est terminé définitivement ?
Oui! Quand Nantes est venu me chercher, j'étais déjà en retraite, mais j’ai accepté ce challenge parce que le club représentait quelque chose pour moi. Je savais que c'était mon dernier challenge. Puis les dernières semaines et derniers mois m'ont conforté dans le sens qu'il était temps d'arrêter. Parce que j'étais en décalage avec ce milieu là.
-Pour terminer, aujourd'hui vous êtes dans le Morbihan, vous vous plaisez ici ?
J'ai plein de secteurs d'activité, donc je ne m'ennuie pas en retraite, ça c'est évident. Et puis le fait d'être ici, dans la région lorientaise, ça permet aussi d'avoir une qualité de vie qui est remarquable et j'ai toujours mon pied à terre finistérien. La Bretagne est une région exceptionnelle.
Pierre Girault
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