Du 8 septembre et au 28 octobre, le monde de l’ovalie vibre au rythme de la Coupe du monde de rugby. Un sport "de gentlemen" qui, malgré la rudesse des échanges, cultive la "générosité" et le respect de valeurs fortes. Véritable légende du rugby, l'ancien joueur et entraîneur Daniel Herrero en a fait sa vocation. Il porte un regard critique sur la professionnalisation de ce sport.
Ancien rugbyman et entraîneur de l’équipe de Toulouse, Daniel Herrero est un grand nom de la discipline. Sa passion, il l'ancre dans les valeurs fortes aux fondements de la pratique, comme la "solidarité" et la "générosité". À l’occasion de la Coupe du monde, et de la parution de son "Dictionnaire amoureux du rugby des temps modernes" (éd. Plon, 2023), rencontre avec un homme qui a fait du rugby sa vocation.
Aux origines du rugby, des "pratiques corporelles rustiques", lors d'affrontements entre villages, par exemple, autour des IVe et Ve siècles en Europe occidentale. Des pratiques qui peuvent faire penser au rugby actuel, selon Daniel Herrero. "On pouvait s’affronter, se rentrer dedans et peut-être même se torgnoler un peu mais à l’ancienne et toujours avec quelques composantes poétiques !"
Le rugby a véritablement émergé au XIXe siècle, dans les milieux universitaires fréquentés par l'aristocratie britannique. Il y a même toute une "pensée éducative" derrière les règles du jeu. À cette époque, la naissance du rugby se trouve intimement liée à l'idée que "le corps est un élément majeur de l’éducation". Ainsi, la pratique du rugby permettrait une meilleure "maîtrise de soi, de son corps et du rapport à l’autre", nous raconte Daniel Herrero. De cette pensée éducative subsistera, par la suite, cette idée, que “le rugby sera une permanence entre la considération inaltérable de l’égo et, en même temps, une route vers les autres, en allant dans le sens du partage”.
Pour Daniel Herrero, et c'est sans doute là que s'ancre sa passion du rugby, le sens de la "rencontre", de la "solidarité", de la "générosité" et du "partage" constitue le "fondement" de ce sport. "Et ce fondement, il est là et il n'a jamais trop bougé", ajoute-t-il. Et ce, en raison des règles du jeu. "À partir du moment où on va se mesurer dans la sévérité, le rude, le choc, la chute, le rentré-dedans... on va inventer une règle qui fait que chaque fois que le porteur du ballon sera titulaire de la balle, il aura tout le monde pas loin derrière lui, avec une idée : ne te retourne pas, ils y sont. Donc le sens du solidaire s’impose par la règle." Ainsi, pour Daniel Herrero, le rugby est un sport où "compétitivité" et "solidarité", ainsi que "rudesse" et "sensibilité", sont loin d'être incompatibles.
Bien que ces valeurs morales subsistent dans le monde de l’ovalie, assure Daniel Herrero, le rugby est de moins en moins un simple sport ludique ou récréatif. Dans son "Dictionnaire amoureux", Daniel Herrero décrit une professionnalisation de ce sport, depuis l’an 2000, avec l’émergence de la Coupe du monde. Les années 2000 ont entraîné la popularisation du jeu par sa médiatisation. Le rugby est ainsi devenu "un spectacle qui intéresse le monde entier" et où les rugbymans sont considérés comme de véritables experts dans leur domaine.
Un phénomène de professionnalisation qui n’est pas sans conséquence. "Quand c’est ton travail, décrit Daniel Herrero, tu fonctionnes par contrats et par celui qui te paye. Et toi qui es originaire de Toulon, tu vas jouer à La Rochelle, à Buenos Aires ou en Angleterre... Et là, tu te dis mais est-ce qu’on va toujours pouvoir défendre le territoire dans lequel on a grandi, l’amour de nos anciens, la chaleur du maillot qu’on a porté depuis qu’on est petit ? Sans aucun doute que non !" Le passionné déplore le "business" autour de son sport passion, mais il insiste, son fondement, c'est-à-dire le vivre-ensemble et la solidarité, sont toujours là...
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