Aujourd’hui, nous parlons des adolescents à travers des ouvrages de fiction qui leur sont consacrés et qui évoquent les différentes problématiques et émotions que peut générer cet âge charnière dans la construction de son identité.
L'espace d'un instant de Niki Smith chez Rue de Sèvres
Après avoir sauvé sa professeure d’art d’un assaillant armé à l’école, Manuel Soto, doit faire face au Syndrome Post Traumatique. Pour lutter contre son anxiété, il utilise l’appareil photo de son téléphone portable pour trouver les points d’ancrage qui lui permettent de garder les pieds sur terre. Ses journées sont monotones et solitaires, jusqu’à ce que dans le cadre d’un projet scolaire en art il fasse équipe avec ses camarades de classe, Sebastian et Caysha. À leur contact, le jeune collégien qui découvre la campagne, s’ouvre à la beauté de la nature et finit par y trouver le réconfort dont il a besoin…
Une histoire touchante sur le mal-être que peuvent vivre les adolescents. Ici, un syndrome de stress post-traumatique qui tétanise par des crises d’angoisses sur-aiguës notre pauvre Manuel : des séquences intelligemment mises en scène en utilisant le noir et blanc qui nous plongent, nous lecteur, dans le trouble et le gouffre de l’adolescent. Dans L’espace d’un instant, tout en délicatesse, Niki Smith, nous invite à suivre le parcours de guérison du tout jeune homme, grâce à sa mère, grâce à sa thérapeute - qui l’invite à s’ancrer dans la réalité, ce qui l'amènera à découvrir la photographie - et surtout grâce aux mains tendues de ses amis. A travers le partage de leurs passions, Manuel va peu à peu s’ouvrir et vivre de plus en plus sans la crainte de crises. C’est un bien bel album, sensible et pudique : les silences et les regards y sont nombreux. Les séquences contemplatives y ont aussi une part importante dans la reconstruction de Manuel. Un livre qui prend donc son temps - il fait plus de 200 pages - pour nous faire vivre une belle histoire d’amitié, de soutien et de reconstruction. Un récit en accord avec son graphisme, semi-réaliste et dépouillé, qui me fait penser à certains mangas. Du côté de la mise en couleurs, l’autrice travaille admirablement la lumière et fait la part belle aux couleurs plutôt douces.
Babyface d'Olivier Balez d'après Marie Desplechin chez Rue de Sèvres
A l’école, personne n’aime Nejma. Elle est nulle, méchante, moche et mal habillée. En plus, elle crache par terre. Mais on ne lui dit jamais rien, parce que tout le monde sait qu’il ne faut pas pousser à bout une personne qui n’a rien à perdre.
Olivier Balez présente ici un récit librement inspiré du roman et propose un dessin simple et brut, à l’image de la banlieue qu’il dépeint, sombre et saturée de graffiti. Le tout en se concentrant sur l’héroïne, victime des a priori qu’elle a contribué à créer sur sa personne. Ce parti-pris graphique et narratif reste efficace et soulève de nombreuses questions notamment sur le regard des autres, le jugement de valeurs (envers autrui et envers soi-même), et sur la confiance, que l’on accorde, ou pas, à son entourage. Et ce que l’on retient finalement, c’est l’entraide et l’espoir, quelque soit les différences sociales et physiques, si tant est bien sûr que l’on accepte les mains qui nous sont tendues plutôt que celles qui voudraient nous abattre.
Je suis ton soleil de Marie Pavlenko chez Flammarion Jeunesse
Prix Talents Cultura Catégorie romans 12 ans et + 2017 - Prix de la Librairie des Enfants 2017
Déborah démarre son année de terminale sans une paire de chaussures, rapport à Isidore le chien-clochard qui s’acharne à les dévorer. Mais ce n’est pas le pire, non. Le pire, est-ce sa mère qui se met à découper frénétiquement des magazines ou son père au bras d’une inconnue aux longs cheveux bouclés?
Le bac est en ligne de mire, et il va falloir de l’aide, des amis, du courage et beaucoup d’humour à Déborah pour percer les nuages, comme un soleil.
(…) le fil rouge étant ici la dernière année de lycée, classe charnière où nos personnages vont devoir se confronter à des choix, les leurs mais aussi ceux des adultes qui les entourent. Mais les problématiques et questionnements soulevés par Marie Pavlenko sont beaucoup plus intimes et universels : tout au long de cette année, Déborah ne va pas simplement travailler à réussir la fin de sa scolarité ; elle va aussi commencer à construire son avenir, et pour cela, faire face à un présent où le monde qu’elle a jusque là connu fini d’exploser, à l’image de ses rêves d’enfant. Mais c’est en prenant conscience que l’idéal, malheureusement, ne correspond pas - voire jamais! - à la réalité, qu’elle réussira - avec l’aide de ses amis mais aussi de son fidèle compagnon Isidore (le chien qui avait dévoré ses nouvelles baskets la veille de la rentrée) à trouver la confiance et le réconfort nécessaire à son envol. Un roman plein d’humanité, qui s’attache à dépeindre une réalité parfois douloureuse en évoquant tout à tour le deuil mais aussi l’amour, les secrets enfouis mais aussi l’espoir.
Coup de coeur de la semaine
Les petites reines de Clémentine Beauvais chez Sarbacane
À cause de leur physique ingrat, Mireille, Astrid et Hakima ont gagné le « concours de boudins » de leur collège de Bourg-en-Bresse. Les trois découvrent alors que leurs destins s’entrecroisent en une date et un lieu précis : Paris, l’Élysée, le 14 juillet. L’été des « trois Boudins » est donc tout tracé : destination la fameuse garden-party de l’Élysée !!!
Et tant qu’à monter à Paris, autant le faire à vélo – comme vendeuses ambulantes de boudin, tiens ! Ce qu’elles n’avaient pas prévu, c’est que leur périple attire l’attention des médias… jusqu’à ce qu’elles deviennent célèbres !!! Entre galères, disputes, rigolades et remises en question, les trois filles dévalent les routes de France, dévorent ses fromages, s’invitent dans ses châteaux et ses bals au fil de leur odyssée. En vie, vraiment.
Comment traiter de problématiques aussi graves, on parle ici de harcèlement - ce phénomène qui peut durablement détruire les enfants - dans un roman feel good ? Clémentine Beauvais y arrive avec brio en cassant les schémas et stéréotypes habituels… à la fin du roman, nous, lecteurs, sommes aussi fiers que ces petites reines qui, grâce à leurs mollets mais surtout leur entraide et leurs rires, finiront par tourner en ridicule des harceleurs qui n’auraient pas cru que le boudin, ça marcherait aussi bien! Un roman qui fait rire autant que réfléchir et qui est à retrouver dans toutes vos librairies, tout comme les nombreux titres de Clémentine Beauvais, habituée des meilleures ventes en littérature adolescente, et l’on comprend bien pourquoi tant le talent de la romancière n’a d’égale que son sens de l’humour!
Programmation musicale :
Tout tourne autour du soleil, Keny Arkana
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