Bordeaux
Dans ce second épisode de “Boire la Bible dans le bordelais”, Marie-Aude Henneresse, avec ses chroniqueurs poursuivent la balade dans un autre terroir de Gironde. Illustres villages médiévaux côtoyant les vignobles, fréquentant les côteaux et forêts : ce terroir nous invite à parcourir ses sentiers. Bienvenue au départ des vignes de l’Entre-deux-Mers !
Après la découverte des spécificités du terroir viticole, nous admirerons les ruines de l’abbaye de la Sauve Majeur reproduite sur une gravure en laiton dans l’église Saint Rémi de Bordeaux. Et enfin, des mosaïques qui y sont accrochées nous délivrent un message biblique que son curé nous dévoilera. Dans cet épisode, mêlant histoire, spiritualité, vignoble et terroir girondin, les grappes de raisins guideront nos pas. Un jeu de piste agrémenté de musique.
LE TERROIR
Ceint par la rive droite de la Garonne et sa voisine la Dordogne, l’Entre-deux-Mers fait partie de l'arrière-pays girondin, à l’est de Bordeaux. Des petits villages rustiques et médiévaux sont implantés dans un paysage verdoyant de vignes et de forêts, empruntable par des sentiers de randonnées. C’est ce terroir viticole méconnu, le plus vaste du bordelais avec 70 hectares couvert de ceps, que l’œnologue et ingénieur agronome Franck Dubourdieu nous présente durant les cinq premières minutes.
“Avant la dernière guerre, il y avait très peu de vignes dans l'Entre deux Mers. Et s'il y en avait, elles étaient blanches.” nous dit Franck Dubourdieu sur l’histoire de ce vignoble. “Aujourd'hui, poursuit-il, les plantations qu'il y a eu à partir des années 1980 ont portées ce vignoble très loin, et l'ont rendu, pour beaucoup de crus, non rentable” à cause de l'appellation propre de l’Entre-Deux-Mers : “vous portez l'appellation Bordeaux Rouge, Bordeaux Blanc, même Bordeaux Supérieur, vous ne pouvez pas dépasser un certain prix. Sauf rares exceptions.”
“Le cépage majeur, c'est le merlot, explique Franck Dubourdieu. On y ajoute du cabernet franc et un peu de cabernet sauvignon". Le terroir étant vaste, définir les spécificités du sol est "une question complexe".
Les richesses du sol sont l’argile et le calcaire, et plus rarement, les soubassements, sont constitués de quelques dépôts de graves pour permettre la culture du cabernet sauvignon dans les terres de l'Entre-deux-Mers.
Nous invitant à dénicher les perles rares de ce pays entre deux fleuves, vins notamment présentés dans ses ouvrages, Franck Dubourdieu précise que certains crus sont bien aussi savoureux que ceux de Saint-Émilion, avec un rapport qualité prix remarquable !
LA GRAVURE
L’étape suivante de cette joyeuse escapade nous mène dans un village aux abords de Créon. Entre les vignes de l'Entre-deux-Mers, dans la commune de La Sauve, à 25 kilomètres de Bordeaux, surgissent dans le décor les ruines de l'ancienne abbaye de La Sauve Majeure. Ancien monastère bâti sur les sentiers du chemin de Compostelle, cette abbaye romane datant du XIIe siècle a pu accueillir à son apogée jusqu'à 300 moines. Ses vestiges, que nous pouvons visiter, et son clocher encore dignement dressé, sont les témoins d’une histoire prestigieuse et d’un riche passé religieux .
“Quelle que soit la direction par laquelle vous allez arriver, vous la verrez comme un phare. Nous pouvons nous guider à sa vue.” Frédéric Clanet.
Ces ruines médiévales ont inspirées à Frédéric Clanet, le deuxième intervenant de cet épisode, une gravure qui est accrochée sur l'un des piliers de l'église Saint Rémi à Bordeaux.
Sur cette plaque étincelante, le clocher de l’abbaye de la Sauve-Majeur est finement gravé. Le graveur imagine aisément “les cloches se mettant à sonner, tous les gens s'interrompant dans leur travail pour aller à la messe”.
“Le sujet principal de la gravure, déclare Frédéric Clanet, c'est la tour clocher hexagonale qui est à la fois découpée et gravée, entourée d'un décor un peu Art Nouveau, de grappes, de feuilles, et de vignes.”
“C'est un ensemble archéologique qui est très beau, nous dit le graveur. Déjà, il est situé sur un lieu-dit qui s'appelle Altus Villaris (le “haut domaine”, ndlr), et, qui est très précisément à mi-chemin entre la Dordogne et la Garonne”.
Comprenant un scriptorium, des bâtiments claustraux, une salle capitulaire, l’abbaye fut détruite et pillée en 1789. Classée monument historique dès 1840, elle regorge encore de chapiteaux historiés préservés. Ses chapiteaux “représentent généralement des personnages ou fictifs ou mythiques, précise Frédéric Clanet, ou des personnages réels. Et ça, avec une telle homogénéité stylistique. C'est plutôt rare, et c'est l'objet d'un grand nombre d'études dans le monde entier.”
Le chapiteau sélectionné pour poser sur la plaque en laiton, “représente simplement des grappes de raisins et des feuilles, déclare l’artisan. Il témoigne très sincèrement du lien étroit qui unissait l'abbaye avec le travail de la vigne”, disséminée aux alentours des ruines.
Cette gravure lumineuse, “fait partie d'un ensemble de petites œuvres placées comme des ex-voto sur les piliers de l'église Saint Rémi”, ajoute notre artiste.
LES MOSAÏQUES ET LA THÉMATIQUE
La promenade continue avec le Père Francis Aylies et Marie-Aude Henneresse dans l’église Saint Rémi. Curé de cette église bordelaise, il nous révèle les aspects spirituels des deux mosaïques choisies pour illustrer le fil conducteur de ce podcast : les grappes de raisins.
Sur la première mosaïque, le regard est immédiatement attiré au sommet de l'œuvre, par deux stèles, brillantes et argentées, positionnées au centre, sur une table pourvue de fragments bleus. Un flot rouge semble s’écouler lentement de la table bleuté, et amène à poser le regard sur le Christ en croix.
Figure centrale de cette mosaïque riche de sens, ses bras étendus couvrent chacun deux grappes de raisins. Dans un nuancé de rouge, les grappes rondes sont soutenues par les bras de Jésus.
“Jésus nous dira que toute la loi de Dieu consiste à aimer son prochain comme soi-même. Nous voyons bien que dans cette première loi mosaïque, cette première alliance, il y a la justice, l'accueil de l'étranger, le respect de la nature et c'est d'une modernité exquise” Père Francis Aylies.
La grappe positionnée sous son bras gauche, est mangée par un animal, accompagné un peu plus loin d’un panier plein de récoltes. À sa droite, un personnage agenouillé, se penche pour ramasser les fruits rouges qui jonchent le sol jusqu’au pied de Jésus, où une herbe verte est délicatement représentée.
Le tout est couronné par douze stèles, se déployant en demi-cercle de part et d’autre de l’autel. Harmonieusement, elles surplombent le décor de cette scène évoquant le “grand récit du don de la loi”, dit le Père Francis Aylies : c’est la mosaïque de “La Loi du Sinaï”.
Chacun des bas-côtés de l’église expose un cycle biblique différent : vers l’autel de Saint Rémi sont exposées les mosaïques illustrant des passages de l’Ancien Testament. Et, vis-à-vis, les mosaïques dirigées vers l’autel de Marie témoignent des événements du Nouveau Testament. “Elles se répondent”, nous dit le curé.
Choisir de représenter Jésus à ce moment-là, dans cette mosaïque illustrant un cycle de l’Ancien Testament, c’est faire écho aux innombrables références croisées des livres bibliques. “Entre le Premier et le Nouveau Testament, comme le souligne le curé, il y a toujours un élément de l'Ancien Testament qui est présent dans l'élément du Nouveau”.
“Nous avons voulu, poursuit-il, représenter dans cette mosaïque, le sang de l'Alliance, puisque qu’en face de cette mosaïque, indique-t-il en désignant la mosaïque parallèle, il y a la Cène où Jésus prend le vin, et dit que ce vin est le sang de la nouvelle alliance”.
La mosaïque de “La Loi du Sinaï”, fait donc face à celle de la Cène. “Si on tourne la tête, dit le Père, et qu'on part vers le Nouveau Testament, on voit que les douze stèles deviennent les douze apôtres. Nous voyons que l'autel du sacrifice devient une table d'un repas partagé avec du pain et du vin.”
Inspirés de trois commandements parmi la centaine écrite dans les livres du Pentateuque, les aspects bibliques de l’animal, la jachère et le personnage agenouillé de la mosaïque "La Loi du Sinai" sont décryptés dès la onzième minute de ce podcast.
Ils ont été choisis pour figurer sur l'œuvre puisqu'ils reflètent tous avec “une modernité inimaginable”, un aspect viticole : “tu laisseras la terre, s’exprime le Père Francis Aylies, tu ne récolteras pas et donc tu laisseras la terre se reposer tous les six ans. Avec la troisième loi, qui est aussi complètement moderne : tu ne grappilleras pas ta vigne, le jour de la récolte, de la vendange. Tous les grains qui sont tombés par terre ne sont pas à toi, ils sont aux pauvres et à l'étranger. Qui viendra s'en nourrir ?”
Marie-Aude Henneresse et le Père Francis Aylies nous emmènent maintenant devant l’autre bas-côté de l’église. Sur la façade parallèle à la mosaïque “La Loi du Sinaï”, est accrochée une seconde mosaïque, que nous découvrons dans la dernière partie de cette promenade auditive.
Le bras d’une vigne s’allonge de part et d’autre de la mosaïque. Il se déploie horizontalement et occupe la majeure partie de l’espace. Trois personnages sont à l'œuvre, et suivent la ligne brune esquissant le bois de cette vigne. À gauche, des cercles rouges, amassés pour former des triangles, révèlent nos fameuses grappes de raisins.
Le premier bonhomme, au départ de la vigne, tend une main pour cueillir un fruit. Le suivant, coiffé d’une couronne, est précisément au centre de l'œuvre. Il porte sur ses épaules un panier de récolte débordant de raisins. À droite de la mosaïque, le dernier personnage, ceinturé d'or autour de son habit gris, émonde une grappe qui tombe sur le sol.
Cinq soleils font irruption dans le cadre et se déploient au-dessus des vendangeurs, dans un dégradé de couleurs, variant du jaune jusqu’au orange. Un premier soleil se lève à gauche. Le troisième astre, poursuivant la route, est disposé au au-dessus du vendangeur couronné. Le dernier soleil, teinté d’un orange profond, finit sa course à la droite de la mosaïque.
Intitulée “Les Ouvriers”, la mosaïque évoque aisément la parabole de Jésus sur l’appel des ouvriers, écrite dans l’Évangile selon Matthieu dans le chapitre 20.
“Ces trois personnages travaillent à la vigne et, dans la parabole de Jésus, ils ont été appelés à divers moments de la journée. Les premiers au matin, les troisièmes au zénith et les quatrièmes, même à la fin du jour.” Ils seront récompensés de la même façon." Père Francis Aylies.
Nous voilà donc plongés dans le Nouveau Testament. Dans cette parabole de l'Évangile selon Matthieu, le maître d’un domaine, appelle dès la première heure du matin des ouvriers pour qu’il s’occupent de la vigne implantée dans son domaine. Ensuite, à midi, l’heure du zénith, d’autres sont recrutés. Puis, jusqu’à la cinquième heure, d'autres sont appelés à travailler pour le Royaume des Cieux, figurer comme étant la terre du maître. Les vendangeurs sont tout chrétien appelés par le Seigneur, qui est imagé dans cette parabole comme étant le maître du domaine. “Jésus veut nous parler qu'il donne tout, tout le temps, et il appelle l'humanité au travail de la vigne”, commente le Père Francis Aylies sur la parabole.
Le premier personnage, portant la toge, est un prêtre. Celui au centre, amassant dans la hotte les grappes et portant la couronne dorée, est un roi. Le dernier, ceint autour des reins, est un prophète : “c'est celui qui rappelle tout le temps la Parole de Dieu”, précise le Père Francis Aylies.
Les cinq soleils, eux, de l’aube à l’occident en passant par le soleil du zénith, imagent l’appel de Dieu à chaque heure de vie, au travail de la vigne, recevant le même salaire. “Dieu ne donne pas un peu à ceux qui ont travaillé moins et beaucoup à ceux qui ont travaillé beaucoup. Il se donne, lui, donc il donne tout à tous.” précise le curé de l’église.
Inspiré d’un des textes de Jean-Paul II, “qui nous dit le chrétien, commente le Père Francis Aylies, qui est appelé à travailler à la vigne a trois charges”. Les trois vendangeurs de la mosaïque, donc, évoquent ces trois charges, que le Père nous décrit précisément à partir de la vingtième minute de ce podcast.
La vigne, arbre emblématique de la Bible, et ses raisins, fruits d’adages célèbres, avec le vin, symbole du sang de l'alliance, font partie du patrimoine historique et culturel du terroir bordelais. Véritable emblème de l’Ancien Testament jusqu’au Nouveau, les grappes de raisins nous procurent autant de bons crus que de riches préceptes !
J'en profite pour rappeler à nos lecteurs que les mosaïques sont à retrouver en photos et en explications détaillées sur le site de l’église Saint Rémi. MOSAIQUES | Saint Remi 4 (saint-remi-de-la-vigne.com)
Escale suivante du voyage : Les Graves ! Un article vous attend pour illustrer cette agréable promenade viticole du bordelais. Marie-Aude Henneresse, Franck Dubourdieu, Frédéric Clanet et le Père Francis Aylies poursuivent l’aventure avec nous. Le Tau des franciscains sera le fil conducteur de ce troisième épisode de “Boire la Bible dans le bordelais”. À écouter, et lire sans modération.
BONUS : LES COULISSES DE LA CRÉATION DU PODCAST
Pour chacun des articles, retrouvez un bonus inédit sur la réalisation de ce podcast, commenté par Marie-Aude Henneresse.
La raison d’être du projet ? « Faire découvrir que Dieu nous parle à travers le beau et le bon » nous dit Marie-Aude Henneresse. « Faire découvrir que la vigne évoque aussi bien du vin produit dans nos terroirs bordelais, qu’elle peut inspirer des artistes, nous ramener à des moments de l’histoire de notre département et même être reliée à des passages de la Bible. Concrètement, je voulais concevoir un podcast comme une visite guidée éclectique, une balade estivale sur nos terres girondines. Un podcast qui soit un travail d’équipe, et je me suis donc entourée de chroniqueurs passionnants grâce à l’aide de Francis, et pour la production c’est une technicienne du son très douée, Loïse Serna, qui était en service civique à RCF Bordeaux à ce moment. Un podcast, aussi, qui nous fait passer joyeusement du culturel au spirituel, comme si nos pas, forcément, un moment, nous menaient sur les pas de celles et ceux qui nous ont précédé, et notamment les personnages évoqués dans les passages de la Bible représentés sur les mosaïques de la si belle et originale église Saint Rémi de Bordeaux. Un podcast, pour résumer, où l’on partage la joie de vivre et de croire. Saint Jean nous dit dans son Évangile au chapitre 4 verset 14, « celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerais n’aura plus jamais soif ». La soif dont il est question, c’est un désir spirituel ardent. Dieu est cette source d'eau vive qui désaltère profondément. C’est à cette eau-là, par des sentiers détournés, que j’avais le désir d’amener les auditeurs et auditrices.
Avis aux amateurs du Beau et du Bon, intéressés par le vignoble bordelais, l'art, l'Histoire et ouverts à découvrir d'une manière originale des histoires de raisins dans la Bible : ce podcast en 5 épisodes est pour vous !
Chaque épisode est construit telle 1 visite guidée en 3 étapes avec 1 thème conducteur.
Partez en balade radiophonique enivrante avec le père Francis Aylies, l'oenologue Franck Dubourdieu, le graveur Frédéric Clanet et la directrice de RCF Bordeaux Marie-Aude Henneresse !
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