Il est l'un des écrivains italiens les plus lus en France. Erri De Luca est aussi un passionné de montagne. Rencontre avec un humaniste pétri de spiritualité, qui se dit pourtant agnostique.
Depuis une vingtaine d'années, et notamment depuis l'obtention du prix Femina étranger en 2002 pour "Montedidio", Erri De Luca est devenu l'un des écrivains italiens les plus lus en France. Sa vie personnelle est aussi passionnante que ses romans, elle irrigue d'ailleurs ses écrits. Il a longuement été engagé dans le parti d'extrême gauche Lotta continua, dans les années 60 / 70. Pendant 20 ans, alors qu'il était ouvrier, il lisait la Bible en hébreu chaque matin. Écrivain aux mots précis, ciselés, affutés, passionné de montagne et d'escalade, il vient de publier "Impossible" (éd. Gallimard). Rencontre avec un humaniste pétri de spiritualité, qui se dit pourtant agnostique.
"Je suis d'un siècle et d'une mer mineure, je suis né en leur milieu, à Naples, en 1950", écrit Erri De Luca. Né le 20 mai 1950 à Naples, l'écrivain doit beaucoup à sa ville natale. "C'est une ville qui m'a offert son éducation sentimentale, dit Erri De Luca, celle que regarde la formation des sentiments vers la compassion, la colère et la honte." C'est là que sont "nés ses sentiments fondamentaux, qui ont fondé une idée de justice, avant l'engagement politique". Si Naples est dans tous ses romans, Erri De Luca n'y vit plus depuis ses 18 ans. (Il habite aujourd'hui dans une bergerie non loin de Rome.) Mais Naples est toujours là, "elle s'est transférée dans moi, je la réhabite par écrit, par les souvenirs, par le mécanisme merveilleux qui est d'écrire une histoire".
De sa ville, il garde au cœur "les récits, la voix des femmes napolitaines qui parlaient de la guerre et des bombarbements". Ville italienne la plus bombardée pendant la guerre, parce que c'était un port mais aussi "en raison de sa grande concentration de vies humaines", Naples a subi pendant la guerre le sort que les guerres modernes réservent désormais, "depuis Gernica", aux villes : "détruire majoritairement les vies des personnes sans armes". "Je suis né dans ce siècle énorme, un siècle de grandes migrations, le siècle des guerres modernes."
À 16 ans, Erri De Luca lit "Hommage à la Catalogne" et décide de devenir anarchiste. Dans ce livre que George Orwell a écrit sur la guerre civile espagnole, "j'ai reconnu des sentiments qui étaient déjà dans moi : indépendance, esprit d'anarchie..." Comme le dit Erri De Luca, il y a des livres qui ne servent pas à "connaître" mais à "se reconnaître". Pendant 12 ans, il a été très engagée dans le mouvement Lotta continua. "Ce mouvement était dans les rues, dans les écoles, dans les usines, et donc j'ai adhéré - quelle était l'autre possibilité ? La déserter." Dans ces années-là, "la jeunesse était dans les rues".
Cette période révolutionnaire l'habite encore aujourd'hui. Dans son dernier roman, "Impossible", Erri De Luca livre une réflexion sur cette période à laquelle a participé son héros - que l'on accuse d'ailleurs d'avoir trahi dans ces années-là.
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