"GÉNÉRATION ÉCOLO", UNE CHRONIQUE À RETROUVER DANS L'ÉMISSION "COMMUNE PLANÈTE" - Commune Planète, c'est la nouvelle émission d'écologie sur RCF. Un rendez-vous hebdomadaire proposé par Anne Kerléo à découvrir dès ce vendredi 10 janvier 2020.
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Noé Dewaulle est élève à l'institut de Genech, le plus ancien établissement d'enseignement agricole de France.
Il y a un mois, nous sommes sortis un samedi soir avec les copains. C’était une belle soirée, on a ri, on a dansé, on a sympathisé avec d’autres jeunes. Ça nous a fait du bien. La soirée n’avait pourtant rien de banal. Elle avait été organisée pour récolter des fonds pour soutenir une ferme en difficulté. Cette ferme élève des porcs. Des voisins mécontents voulaient vendre une partie de leur parcelle, en terrain à bâtir. Ils ont estimé que la présence de cet élevage porcin leur portait préjudice. Ils ont porté plainte pour, je cite : "nuisances odorantes et sonores". Les éleveurs ont perdu le procès et ils se retrouvent à devoir doivent payer près de 60.000 euros.
L’affaire a fait du bruit localement fin novembre, déclenchant des manifestations d’agriculteurs solidaires en colère. Mais cela n’a rien changé. Alors des moyens se sont mis en place pour trouver des fonds. Cette fête nous a permis de nous rassembler, de manifester notre solidarité, sans violence.
Reste l’incompréhension face à cette décision de justice. Je ne suis pas issu du milieu agricole, je le découvre petit à petit. Je suis frappé par les situations impossibles, dans lesquelles beaucoup d’agriculteurs se trouvent. Cette affaire fait écho à plein d’autres : on leur reproche d’avoir des coqs qui chantent, des vaches qui sentent trop fort. On leur reproche l’odeur du fumier déposé dans les champs, mais on leur reproche aussi de mettre de l’engrais. Parfois, des agriculteurs se font insulter lorsqu’ils sortent leur pulvérisateur.
Le développement de ce que l’on nomme aujourd’hui l’agri-bashing nous inquiète. Cette tendance s’origine en partie dans des crises comme celle de la vache folle ou dans les scandales qu’il y a eu dans l’industrie agro-alimentaire. Elle est amplifiée aujourd’hui par la prise de conscience de tous, de la crise écologique, les agriculteurs étant souvent pointés comme responsables.
Notre formation nous amène à comprendre que l’enjeu écologique est énorme et que les agriculteurs sont et seront en première ligne pour porter les transformations nécessaires. Nous devrons continuer à produire plus afin de nourrir plus d’humains, mais aussi avec de plus en plus de contraintes climatiques et environnementales. Nous avons besoin du soutien de tous. C’est en travaillant main dans la main, consommateurs et producteurs, que l’agriculture évoluera dans le bon sens.
Il faut aussi qu’on reconnaisse plus les services rendus par les agriculteurs, au-delà de la production alimentaire. Dans ce sens, l’adoption par l’Assemblée nationale fin janvier, de la loi sur le "patrimoine sensoriel des campagnes" est une bonne nouvelle. Elle reconnaît aux vaches le droit de faire du bruit, protège l’odeur du fumier. Elle va permettre aux coqs de continuer à chanter !
En nous engageant dans cette filière, nous sommes conscients des défis qui sont devant nous. Bien des choses qui étaient des évidences partagées par tous ne le sont plus. Il nous faut redonner du sens, recréer du lien, de la confiance. Des fêtes comme celle où nous étions avec les copains ce samedi de janvier servent à cela.
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