La semaine était riche en sorties, côté cinéma. Et notre chroniqueuse a jeté son dévolu sur deux films : "Le diable n'existe pas" de Mohammad Rasoulof et "Les choses humaines" d'Yvan Attal.
Commençons par le film de l’iranien Mohammad Rasoulof. C’est un très grand film qui a reçu l’Ours d’Or à Berlin. Il nous raconte quatre histoires dans l’Iran d’aujourd’hui, (celles d’un père de famille exemplaire, d’un jeune homme au service militaire, d’un fiancé venu demander sa main à sa dulcinée, et d’un médecin de campagne).
Elles n’ont aucun lien apparent les unes avec les autres, mais leur juxtaposition donne progressivement beaucoup d’ampleur au film et les transforme en paraboles puissantes sur la question qui les traverse toutes : celle de la responsabilité individuelle, face à un régime totalitaire. C’est extrêmement maitrisé et sobre comme mise en scène mais le propos est saisissant, il dépasse le seul cadre de l’Iran et le réalisateur cite à juste titre comme référence Hannah Arendt et "sa banalité du mal".
Rasoulof est actuellement sous le coup d’une condamnation à de la prison ferme, depuis son dernier film "Un Homme intègre" qui parlait de corruption. Il est interdit aussi de toute activité politique et de sortie de territoire. C’est donc l’équipe du film qui est allée chercher leur récompense à Berlin en février 2020. Dont la fille du réalisateur Baran, étudiante en médecine en Lettonie, et qui a inspiré un des personnages et qui joue dans le dernier des courts-métrages.
L'autre film du jour, "Les choses humaines" d'Yvan Attal, donne un vrai premier rôle à leur fils Ben, et une autre révélation, féminine, c’est Suzanne Jouannet qui joue le rôle de la victime et qui vraiment exceptionnelle dans un registre de sentiments assez complexe, entre doute, peur, admiration et sidération. C’est donc l’histoire d’une jeune fille, plutôt réservée, Mila, qui accuse Alexandre, le fils de sa belle-mère, un brillant étudiant sûr de lui, de l’avoir violée lors d’une soirée où il l’a emmenée. Ce que lui réfute totalement, plaidant juste une fête un peu arrosée et un rapport consenti.
L’attente était forte ! D’autant plus que la qualité du roman résidait dans la langue précise et lucide de l’auteure. Elle auscultait tous les travers de notre époque, bien au-delà du simple fait divers dont elle s’était inspirée. Une époque individualiste, hédoniste, où le plaisir et la réussite personnelle gomme toute empathie pour son prochain.
C’est captivant et très éclairant, comme son titre l’indique, sur la nature humaine. Chaque partie apporte un éclairage qui fait douter de la culpabilité de l’accusé et même de l’existence d’une vérité unique. La mise en scène, très nerveuse, façon thriller, elle nous positionne, nous spectateurs, à la place des jurés. Et nous oblige à nous forger une intime conviction, entre deux points de vue qui s’affrontent. Ce que les tribunaux classent en général en non-lieu, faute de pouvoir juger une parole contre une autre.
C’est pourtant ce à quoi le film nous invite. Pas de doute qu’il fera réfléchir et débattre sur la question du consentement et plus largement sur cette fameuse ‘zone grise’ autour de la sexualité dans une relation.
C’est de loin le meilleur film d’Yvan Attal depuis son 1er long métrage, "Ma Femme est une actrice" où il tournait déjà en famille, comme quasiment toujours depuis.
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