Gilles Jacob a été de toutes les éditions du festival de Cannes depuis 1964, d'abord comme critique de cinéma, puis comme délégué général adjoint, délégué général et enfin président de 2001 à 2014. Il en connaît toutes les arcanes. Il lui rend hommage en publiant son "Dictionnaire amoureux".
On a souvent l'impression - et à Cannes sans doute encore plus - d'un grand écart entre le grand public et le critique de cinéma. "Le grand public veut passer un moment agréable, et va se satisfaire peut-être de films amusants, divertissants, parce qu'après une journée de travail on ne peut pas lui reprocher d'essayer de se changer les idées." Pour Gilles Jacob, le regard du critique est nécessairement autre.
"Le critique, lui, va voir davantage l'évolution du cinéma en train de se faire, quels sont les films phares, quels sont les grands auteurs. C'est ça qui l'intéresse, c'est l'histoire de l'art qu'il écrit au fur et à mesure, et seul le temps dira s'il avait raison ou pas." Gilles Jacob en fait l'expérience, le critique est aussi soumis aux choix publicitaires de son journal. En 1975, lui-même a été "viré pour avoir dit du mal dans une interview télévision d'un film pour lequel L'Express avait une chose publicitaire". Mais avec le recul, il observe que "Jean-Jacques Servan-Schreiber [lui] a rendu un service énorme !" C'est après ça que Gilles Jacob est entré au Festival de Cannes.
Le Festival de Cannes a failli être le festival de Biarritz. Dans son "Dictionnaire amoureux du Festival de Cannes", Gilles Jacob raconte les débuts du Festival et consacre une entrée à Robert Favre Le Bret (1904-1987), dont il dit : "Il a fait le Festival. Entièrement. De A à Z. Saluons !" Mais si Favre Le Bret l'a "complètement créé de toutes pièces" en 1946, c'est à l'historien Philippe Erlanger qu'on doit l'idée en 1939 d'un festival de cinéma "libre". À une époque où on récompensait en Europe des films de propagande nazie et fasciste. "La liberté, c'était l'idée absolue."
Si le Festival de Cannes connaît un tel succès, pour Gilles Jacob c'est d'abord grâce "au soleil du midi". "Les étrangers adorent venir là, ils arrivent dans un lieu très confortable, tout se fait à pied..." Mais il n'y a pas qu'une dimension artistique. Cannes c'est aussi le rendez-vous de l'industrie du cinéma.
"Le cinéma est venu très tard dans ma vie." Petit à petit devenu semi-professionnel pour la revue Cinéma, puis Les Nouvelles littéraires, et cinq ans à L'Express. "Quand le soir vers cinq heures et demie, j'avais un client qui traînait un peu au téléphone et que je savais que je ne pourrai plus passer le pont de Levallois pour aller dans les projections aux Champs-Élysées, je raccourcissais un peu la conversation, quitte à perdre la commande, ce qui est une faute professionnelle en un sens!"
Né en 1930 dans une famille juive, Gilles Jacob a du se cacher pendant la guerre, d'abord à Nice, puis en Isère, dans le séminaire des Assomptionnistes de Miribel-les-Échelles, où il portait le nom de Gilbert Jousse. Sa vie a d'ailleurs inspiré Louis Malle pour son film "Au revoir les enfants" (1987). Et surtout une scène où l'un des enfants se cache derrière un piano. "Un de ses plus beaux films, très simple très pur", considère Gilles Jacob, qui confie avoir été "très secoué" quand il l'a vu pour la première fois.
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