La notion de décroissance trouve ses origines dans la pensée d'intellectuels protestants qui ont structuré une critique des dogmes économiques, comme la productivité et la croissance.
Longtemps, la décroissance a été vue comme une utopie marginale promue par des écolos militants, doux dingues pour certains, dangereux pour d'autres. Mais le succès remporté par le documentaire "Demain" (2015), réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, indique peut-être que la décroissance est désormais envisageable. Dans ce film en effet, vu par plus d'un million de spectateurs en France, il est question des innombrables initiatives prises à travers le monde par des citoyens qui pensent possible de mettre sur pied un nouveau modèle économique, social, agricole ou éducatif. Pour comprendre comment est née l'idée de décroissance, Véronique Alzieu reçoit l'historien Timothée Duverger, il est spécialiste de l'écologie radicale et l'Économie sociale et solidaire (ESS),
Aujourd'hui, il y a des historiens pour parler des "Trente Désastreuses" au regard des dégâts écologiques des Trente Glorieuses. C'est à partir de cette période, dès 1945 et l'entrée dans un nouveau cycle économique, que l'on a fait de la notion de croissance "une idéologie : c'est-à-dire un système de référence cohérent", explique l'historien.
En 1949, le discours du président américain Harry S. Truman (1884-1972) constitue un véritable tournant dans l'histoire de la notion de croissance. "Un discours très important qui expose la doctrine du développement", explique Timothée Duverger. L'historien voit en effet "une dimension idéologique très forte" dans ce discours prononcé au tout débit de la guerre froide. "Il s'agit pour Truman à la fois de raccrocher l'Europe au giron américain" et aussi "d'intéresser à la cause occidentale" les pays qu'on a appelé du tiers monde. À noter par ailleurs que les termes de "développement" ou de "croissance" sont des emprunts à la biologie : "ce qui relève d'une naturalisation, quelque part, des phénomènes économiques".
Si l'on veut remonter aux origines de la décroissance, il faut chercher du côté de ce courant d'intellectuels chrétiens protestants porté dans les années 30 par Jacques Ellul (1912-1994) et Bernard Charbonneau (1910-1996). "Ils ont structuré une écologie radicale qui critique l'ensemble des dogmes économiques que sont la production, la productivité, la croissance, etc."
Émission d'archive diffusée en février 2018
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !