Disparu le 21 avril, à l’âge de 80 ans, Jacques Perrin aura traversé les décennies avec une même constance et une élégance sans fard. Son jeu délié et mesuré, rehaussé par un éternel sourire derrière une voix douce et apaisante en avait fait, dès les années 60, une valeur sûre du cinéma français et un artiste apprécié pour sa justesse et son naturel. Valerio Zurlini, Jacques Demy, Costa-Gavras et Pierre Schoendoerffer, qui l’avaient dirigé, l’avaient bien compris !
Il fut tour à tour un marin poète dans "Les Demoiselles de Rochefort", un prince enchanteur dans "Peau d’âne", un militaire en proie au doute dans "Le Désert des Tartares" et "La 317e Section", un journaliste dans "Z", ou encore un cinéaste dans "Cinema Paradiso." Dans les années 2000, Jacques Perrin est devenu un producteur avisé et comblé. L’acteur s’effacera, peu à peu, tout en continuant à tourner par amitié, notamment pour son neveu, Christophe Barratier, comme dans "Les Choristes", immense succès de l’année 2004. Retour sur une carrière exemplaire en cinq dates et cinq extraits musicaux.
"L'humilité, c'est de savoir écouter. Et plus on saisit les animaux dans leur vivacité, plus on comprend qu'ils sont voués à la plus grande démonstration physique", confiait Jacques Perrin en 2016 dans les colonnes du Figaro. Producteur et réalisateur du "Peuple migrateur" (2001), Jacques Perrin savait de quoi il parlait.
L’histoire de ces oiseaux migrateurs, filmés au plus près, avait enthousiasmé la France entière et au-delà. Nommé pour l’Oscar du meilleur documentaire 2003, le film valait aussi pour sa bande originale confiée au compositeur Bruno Coulais. Trois ans de tournage avaient été nécessaires pour capter des images spectaculaires et alors inédites. Il récidivera en 2009 avec "Océans", dont le succès sera tout aussi important.
Avant d’être un producteur à succès dans les années 2000, Jacques Perrin avait été surtout un acteur, que l'on a vraiment découvert en 1961 chez Valerio Zurlini. Le Bolognais lui offrira, à 20 ans, son premier grand rôle, dans "La Fille à la valise", qui raconte le drame d'un amour impossible, avec notamment Claudia Cardinale.
C'est la grande époque des coproductions franco-italiennes, et Jacques Perrin récidive avec "La Corruption", de Mauro Bolognini en 1963 et "Journal intime", de Zurlini à nouveau, où il est le frère de Marcello Mastroianni. Il retrouvera le cinéaste en 1976 sous les traits du lieutenant Drogo dans "Le Désert des Tartares". Une coproduction européenne ambitieuse avec un casting choral réunissant de grands acteurs de l’époque (Vittorio Gassman, Philippe Noiret, Fernando Rey, Jean-Louis Trintignant, Max von Sydow, Francisco Rabal) et soutenue par une bande originale signée du Maestro Ennio Morricone !
En 1967, Jacques Perrin est choisi par Jacques Demy, qui lui offre le rôle de Maxence dans "Les Demoiselles de Rochefort". Il incarne un marin rêveur, peintre et poète, aux côtés de Catherine Deneuve et Françoise Dorléac. Un rôle qui marquera à jamais sa carrière. Il chante alors en playback (il est doublé par Jacques Revaux) et réitère en 1970 dans "Peau d’âne" avec encore une Catherine Deneuve radieuse. Deux films "ovnis", passés à la postérité pour leur étonnante modernité à l’époque et leur bande musicale grandiose que l’on doit à Michel Legrand.
Pierre Schoendoerffer aura offert à Jacques Perrin des rôles inoubliables, que ce soit dans "La 317e Section", le premier qu’il tourne en 1965, ou "Le Crabe-Tambour", en 1977. À chaque fois, des rôles de militaires dignes à la droiture exemplaire. Dans "La 317e Section", Jacques Perrin joue le lieutenant Torrens.
Le film raconte la mission d’une section de l'armée française durant la guerre d'Indochine. Une section dirigée par un jeune officier (Jacques Perrin) et un sous-officier aguerri (Bruno Crémer) confrontés aux horreurs de la guerre. Ils ont reçu l'ordre de se replier à 150 km au sud. Pendant ce temps, la bataille fait rage à Diên Biên Phu et le Vietminh les encercle. Pierre Jansen compose pour l’occasion une musique angoissante et dissonante. Très estimé du monde militaire, Jacques Perrin était officier dans la réserve citoyenne de la Marine nationale et possédait le grade de capitaine de frégate.
S’il savait incarner des militaires de devoir, Jacques Perrin a aussi joué des hommes marqués par leur enfance, comme chez Christophe Barratier (son neveu, fils de sa sœur Eva), dans "Les Choristes". Et surtout dans le magnifique "Cinema Paradiso", de Giuseppe Tornatore, l’un des plus beaux hommages du 7e art au 7e art, couronné de prix internationaux en 1990.
Jacques Perrin y incarne un homme d’âge mur devenu un cinéaste renommé de retour dans son petit village de Sicile. Il se souvient de son vieil ami Alfredo (Philippe Noiret), le projectionniste du cinéma local à qui il doit sa passion pour le cinéma. Avec ce retour, c'est toute son enfance qui remonte à la surface quand on l'appelait Totò. La musique profondément humaniste d’Ennio Morricone sublime le propos nostalgique du film.
"La Symphonie du cinéma", une émission de Fabien Genest pour voyager dans l'univers des musiques de films.
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