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Ibrahim Maalouf, trompettiste franco-libanais : "le métissage est le monde de demain"

RCF,  - Modifié le 17 juillet 2023
VisagesIbrahim Maalouf, trompettiste franco libanais
Seul sur scène ou avec Sting, Grand Corps Malade, Juliette Gréco, sa trompette ne cesse d’émouvoir le public. Qui est ce musicien marqué par sa double culture française et libanaise ?
Wikipedia- Ibrahim Maalouf en concert sur la scène Cabaret lors du festival du bout du Monde à Crozon dans le Finistère, en 2014.Wikipedia- Ibrahim Maalouf en concert sur la scène Cabaret lors du festival du bout du Monde à Crozon dans le Finistère, en 2014.

Né en 1980 à Beyrouth sous les bombes durant la guerre du Liban, Ibrahim Maalouf a grandi en France dans la banlieue parisienne. Fils d’un grand musicien, qui a étudié au conservatoire de Paris et a notamment inventé une trompette à quatre pistons, il est devenu lui-même en quelques années l’un des trompettistes les plus renommés au monde. Sa musique et le son si particulier de sa trompette ont conquis le cœur de centaines de milliers de fans. 

Très vite, il a ressenti la nécessité de ne pas laisser le sort prendre trop de place dans sa vie. "C’est ça qui a joué un rôle dans mon éducation, dans ma manière de voir la vie et d’éduquer mes enfants", raconte celui dont le répertoire éclectique embrasse toutes les musiques : classique, jazz, pop, musique arabe, World music. En 2017, il obtient le César de la Meilleure musique de film.

"Amin Maalouf, mon oncle, a écrit ce livre magnifique, « Les Identités meurtrières », qui a été mon livre de chevet pendant une grande partie de ma vie et qui explique comment on peut être 100 % Français et 100 % Libanais. Notre identité se construit par couches. Je me sens complètement français et ma libanité, je la vis dans mes veines", témoigne l’invité de Thierry Lyonnet, dans Visages.

Le regard d’un père

"Mon père jouait à la maison tous les jours et vers 7 ans et demi, il a accepté que je joue. J’ai eu un cours par jour avec lui jusqu’à ce que j’aie 15 ans. J’avais un papa qui était très sévère et à partir du moment où j’étais à côté de lui avec la trompette dans les mains, il était fier et me regardait avec beaucoup d’amour".
A 8 ans et demi, Ibrahim Maalouf se retrouve ainsi en concert en duo avec son père à jouer Vivaldi, Purcell…Il grandit dans la culture de la musique classique.

" J’ai eu d’excellents professeurs mais il est arrivé qu’un professeur, qui n’arrivait pas à me communiquer les codes sur une morceau de Haydn, plutôt que de se remettre en question, a baissé les bras et m’a dit qu’étant né au Liban, il était normal que je ne puisse pas jouer cette musique. Pour moi, c’était une insulte absolument terrible puisque je suis Français ! J’ai réussi à lui prouver que j’étais tout à fait capable de jouer cette musique…"

 

 "Il y a quelque-chose qui ne me ressemble pas dans cet instrument qui est très puissant et ingrat" 

 

Un lien d’amour/haine avec la trompette

Celui qui se sent aujourd’hui plus compositeur que trompettiste s’explique : "Il y a quelque-chose qui ne me ressemble pas dans cet instrument qui est très puissant et ingrat parce qu’on entend tout de suite les erreurs. C’est un instrument très difficile à maîtriser car il est intrinsèquement faux.  Cela ne me ressemble pas parce que je n’aime pas l’adversité. Je suis plutôt quelqu’un de timide, dans l’empathie, dans l’amour, la gentillesse. J’ai entretenu un lien très particulier avec la trompette parce qu’il a fallu que je m’élève au niveau de cet instrument qui était très exigeant et pas dans ma nature. C’est un lien d’amour/haine !"

La musique pour dire l’émotion

A 12 ans, il compose Beyrouth, un morceau qui malheureusement est encore d’actualité. " Je découvre à ce moment-là la violence d’un monde. C’est parce que je ne sais pas le dire que je l’ai mis en musique. On voit bien aujourd’hui que le Liban replonge à nouveau dans les méandres de ses propres cicatrices".

Le métissage est le monde de demain

Ibrahim Maalouf en est convaincu : la culture a toujours renouvelé son identité à travers les mélanges.

"Aucune symphonie de Malher, de Bruckner, de Wagner ne s’est crée toute seule, sans l’influence de l’Orient, de l’Afrique, de l’Europe... A partir du moment où je parle du manque de diversité dans les orchestres, à aucun moment, je n’ai dit qu’il y avait de la discrimination ! Mais je suis triste de constater que la diversité de notre société ne s’est pas encore intéressée à la musique classique."

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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