Ce livre à trois voix peut trouver sa place dans d’autres émissions de RCF consacrées à la spiritualité. J’ai choisi de vous le présenter aujourd’hui parce que ce livre est aussi un très beau texte littéraire. Et comment, en ce Jeudi saint, ne pas être touché par la méditation que nous proposent les trois auteures.
Elles se sont réparties les trois jours saints du Triduum pascal, du dernier repas au tombeau vide. Laurence Nobecourt s’arrête sur la cène, mais avance aussi dans le jardin des oliviers, en rappelant l’un ou l’autre passage de la vie publique de Jésus ou encore des extraits de la bible. « Toutes nos vies sont passages/ Il l’a dit, l’a vécu », souligne la romancière et poète. « Ainsi, en ce jeudi qui a commencé depuis si longtemps, après qu’il a lavé les pieds de nos âmes et rompu le pain, il observa les siens et annonça la confusion », écrit Laurence Nobécourt. La confusion est l’autre mot de la trahison, alors même que le Christ reste insaisissable : « Dans sa passivité, il propose Lui, l’action radicale : consentir librement à mourir pour oser radicalement renaître. »
Le grand vendredi, c’est l’épreuve que reprend avec concision Anne Ducrocq : « on l’insulte, on lui crache au visage, on le gifle, on le condamne, on le flagelle à la limite de la mort, on ne couronne d’épines, on le crucifie, on le moque et il n’a pas un mouvement de révolte, pas un mot plus haut que l’autre », écrit l'auteure. Nous savons tout cela, au risque de l’oublier par habitude. Mais les mots sont précis, forts, sans appel. Et l’homme crucifié n’a plus rien à dire : « La parole se tait », est-il écrit. La balle est dans le camp des disciples. Mais où sont-ils ? Là encore, la méditation profonde et poétique renvoie le lecteur à sa propre expérience de foi : est-il ce disciple qui découvre sa part d’ombre, tel Pierre ou Judas ? Est-il celui qui se laisse réquisitionner, tel Simon de Cyrène ? Ou « Le disciple du vendredi qui ne déserte pas, s’ouvre à la miséricorde », alors que s’annonce le samedi saint. « Samedi s’endure le silence », alors que « Le Fils de Dieu descend dans les ténèbres tendre la main à une humanité endormie dans la matière, l’à-peu-près et l’inaccompli. Il n’y a depuis plus aucun enfer personnel dans lequel le Christ ne soit descendu. »
Reste à méditer sur le jour de Pâques…
Et il n’y a rien à voir : « Une pierre roulée/ Un tombeau vide/ Au sol, des linges. /Un descellement/ Un creux/ Une empreinte. / Une ouverture/ une absence/ Un froissement. », écrit Marie-Laure Choplin. « Moi, si j’étais Dieu, j’aurais donné quelque chose à voir de ce moment-là, du passage de la mort à la vie. » Mais voilà : il reste un tombeau vide et « une absence à entendre. » On est curieux de cet événement. Comme l’auteure, on voudrait comprendre. Mais, poursuit-elle, « Tant que nous cherchons comme nous cherchons une chose, nous ne le trouvons pas… » Il faut se laisser saisir par l’inouï, alors même que celui-ci s’inscrit dans la parole des femmes au tombeau. Et dans la parole laissée en héritage, parce que tout a été dit par avance.
Dans les Evangiles, les femmes ne sont jamais loin du Nazaréen. Tout comme les femmes d’aujourd’hui, elles sont les gardiennes de la parole : « Il marche, elles le suivent. Il parle, elles l’écoutent. Et inversement. Elles ont besoin de lui ? Il s’approche. Les femmes auprès de Jésus témoignent de ce que voient leurs yeux, de ce qu’entendent leurs oreilles, de ce que leur cœur leur annonce déjà. »
« Il y avait un jardin, du jeudi saint au dimanche de la résurrection », une méditation signée Marie-Laure Choplin, Anne Ducrocq et Laurence Nobécourt, paru aux éditions Salvator.
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