Installé à Paris dès son retour de Rome au début des années 1640, le Liégeois Jean Valdor y devient bientôt le représentant officiel du prince-évêque de Liège. Ce rôle d’ambassadeur lui permettra de fréquenter les hautes sphères du pouvoir, au plus grand bénéfice de ses compatriotes, singulièrement les artistes.
Valdor semble avoir plus d’une fois servi de relai pour obtenir à Paris des marchés pour des peintres, sculpteurs et graveurs de son pays. La coupole du couvent des carmes déchaussés de la rue de Vaugirard, peinte par Walthère Damery et Bertholet Flémal vers 1645, et surtout la grande peinture du plafond de la salle du trône au palais des Tuileries, exécutée par Bertholet Flémal en 1670, lui doivent peut-être beaucoup.
On a vu dans l’émission précédente que Jean Valdor dit le Jeune tenait une place éminente dans les cercles parisiens du pouvoir au milieu du XVIIe siècle. En tant que représentant du prince-évêque de Liège à Paris, il faisait souvent des allers-retours entre les deux capitales et il entretenait énormément de contacts avec les principaux artistes liégeois de son temps. Il semblerait même que, au milieu des années 1640, il ait eu à ses côtés à Paris un petit groupe d’artistes liégeois qu’il avait fréquentés à Rome à la fin des années 1630. On songe au graveur Michel Natalis et aux peintres Bertholet Flémal, Walthère Damery et peut-être même Gérard Goswin, le principal peintre de fleurs que Liège ait compté au XVIIe siècle.
Valdor n’hésitait pas à venir en aide à ses amis liégeois et il a sans doute plus d’une fois servi d’intermédiaire pour leur obtenir des marchés en France. Il a notamment associé Michel Natalis, mais sans doute aussi Bertholet Flémal, à la réalisation du recueil gravé des Triomphes de Louis le Juste.
On peut se demander s’il n’est pas aussi intervenu en faveur de Flémal et Damery pour que ceux-ci obtiennent la commande de la peinture de la coupole de l’église des carmes déchaussés de la rue de Vaugirard à Paris. Comment expliquer autrement que ces deux jeunes peintres liégeois tout à fait inconnus, à peine arrivés d’Italie, aient été invités à peindre la vaste coupole de cette église vers 1645 ? Il s’agit de la première des deux seules coupoles qui seront peintes à Paris en ce siècle. Valdor était un proche du chancelier Pierre Séguier, qui fut un important mécène des carmes déchaussés parisiens, on peut penser que ce ne fut pas une coïncidence. Les peintures de cette coupole ont été longtemps attribuées, à Paris, à Bertholet Flémal, et, à Liège, à Walthère Damery. J’ai démontré que ces deux peintres liégeois, qui deviendront par la suite des rivaux dans leur pays, ont, en réalité, collaboré à ce chantier prestigieux qui dut faire quelques envieux dans le milieu des peintres parisiens…
Si Valdor sert les intérêts de ses amis liégeois à Paris, il peut compter sur eux pour le représenter à Liège. Par exemple, le 20 avril 1651, Flémal et Natalis comparaissent devant un notaire au palais des princes-évêques, siège de l’administration de la principauté, pour attester l’authenticité d’une signature de leur ami Valdor, alors retenu à Paris par ses affaires.
Celui-ci ne cesse par ailleurs de valoriser les artistes de ses amis. Il rédige, par exemple, un petit poème pour une gravure de Natalis d’après une composition de Damery. Il ménage une collaboration entre le peintre de fleurs anversois Jean-Pierre Brueghel, son neveu par alliance, avec le même Damery, dont Valdor continuera en outre à négocier des tableaux après sa retraite à Liège au début des années 1670. Il semble que Valdor ait fait acheter par le grand collectionneur parisien Everhard Jabach, son partenaire commercial, un tableau de cabinet peint par Bertholet Flémal.
Les liens entre tous ces artistes sont confirmés par une vingtaine de lettres, conservées à la bibliothèque Ulysse Capitaine de Liège, que Valdor adressa à Gérard-Jean Douffet, le neveu du peintre homonyme, dans les années 1660. On y relève que Valdor ne manque pas d’effectuer des achats à Paris pour ses compatriotes ou de leur proposer des collaborations, comme pour la vente de marbre au bénéfice des bâtiments royaux pour laquelle il sollicite l’aide de Flémal. Certaines lettres font notamment mention de son portrait commandé au même Flémal, sans doute le tableau aujourd’hui conservé dans une collection privée liégeoise.
Insigne honneur pour un peintre de notre petite principauté, Bertholet Flémal se voit commander, en 1670, une grande composition allégorique pour orner le plafond de la salle d’audiences de Louis XIV au palais des Tuileries.
C’est à nouveau une commande prestigieuse adressée à un Liégeois, alors qu’il y a tant de grands peintres reconnus à Paris. Il semble que celle-ci relève avant tout d’un geste diplomatique par lequel Louis XIV cherche alors à entretenir la bienveillance du prince-évêque de Liège envers la France.
C’est l’époque où le roi prépare l’invasion de la Hollande et il a besoin de la neutralité active de Maximilien-Henri de Bavière pour que ses troupes puissent passer librement sur le territoire de la principauté. C’est manifestement dans cette optique qu’il propose un chantier prestigieux au peintre officiel du prince-évêque. En tant que représentant du prince-évêque à la cour de France, Valdor a, là encore, certainement servi d’intermédiaire dans cette affaire politiquement importante.
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