Elle est l’une des rares femmes au monde, et la première en France, à être devenue imame. Inspirée par la spiritualité soufie, Kahina Bahloul appartient au courant réformiste de l’islam. Dans son livre « Mon islam, ma liberté » (éd. Albin Michel), elle explique le sens de son engagement : remettre la spiritualité au cœur du religieux et montrer que les femmes ont toute leur place dans la religion.
La foi, pour Kahina Bahloul, "on ne peut pas juste l’accepter comme ça par tradition". C’est "quelque chose qui provient du fond du cœur et qui est censé animer notre vie au quotidien, notre esprit, notre personne, notre âme". Fille d’un Algérien musulman, et descendante par sa mère d’une juive polonaise et d’un catholique français, Kahina Bahloul porte en elle les trois monothéismes. Un héritage parfois lourd à porter, surtout à l’adolescence.
Mais Kahina Bahloul se dit surtout l’héritière de la reine guerrière Kahina, dont elle porte le nom, cette résistante berbère du VIIe siècle, féministe avant l’heure. Née en France en 1979, la jeune femme a voulu revenir au pays de sa naissance à l'âge de 24 ans, après une enfance en Algérie. Elle voulait "faire enfin l’expérience de la liberté" en tant que femme.
En France, j’ai choisi d’être musulmane car je me suis donné l’autorisation de douter, de tout questionner, de tout remettre en cause. La foi ne s’hérite pas, elle s’acquiert, elle s’embrasse de plein gré par un assentiment profond du cœur.
Enfant, jamais elle n’aurait imaginé devenir imame. Et elle admet que "pour certains musulmans c’est quelque chose de choquant" et quelque part elle les comprend… Reste que "l’exclusion de la femme par le système patriarcal depuis des siècles et des siècles… au XXIe siècle ça ne peut plus être la règle !" À la mosquée Fatima qu’elle a fondée dans le XIIe arrondissement de Paris, elle alterne les prêches avec des imams hommes, dans un esprit de complémentarité et pour sortir des "archaïsmes".
"J’ai ressenti le devoir, vraiment, et la responsabilité, de m’exprimer et de m’engager." Par son engagement en tant qu’imame, Kahina Bahloul entend montrer et dire aux jeunes générations que "les femmes ont toute leur place et une parole à faire entendre au sein des religions". Et elle l’admet, "il y a probablement au fond de moi-même aussi une révolutionnaire…"
Kahina Bahloul a compris au moment de la mort de son père que "la foi a toujours été là", au plus profond d’elle-même. Elle qui a connu la décennie noire en Algérie et l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques, avait rejeté une religion trop marquée par le patriarcat. "Être dans la révolte n’aide pas à vivre sa vie en paix, je cherchais avant tout la paix."
On connaît mal le soufisme en France. "C’est la dimension spirituelle de l’islam, une voie ésotérique, c’est-à-dire qui donne plus d’importance au travail que l’on peut faire sur soi… par opposition courants exotériques, c’est-à-dire qui accordent plus d’importance à la normativité et aux ritualisme." L’imame décrit le soufisme comme "un éveil à soi, à l’être, à l’intériorité, avant de chercher à changer le monde, chercher à se transformer soi-même". Elle a fondé la mosquée Fatima "avec des amis musulmans qui avaient le même désir de vivre un islam en harmonie avec la société contemporaine".
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