Clarisse cherche le bonheur, Eve l'organise de l'autre côté de l'Atlantique : quand et comment les deux femmes seront-elles réunies? Un roman ample et envoûtant de Catherine Cusset.
Ce nouveau roman de Catherine Cusset est sorti à la rentrée de septembre, qui a eu lieu en août d’ailleurs, mais je ne voulais pas finir l’année 2021 sans vous parler de La définition du bonheur. Clarisse et Eve sont nées toutes deux à Paris au début des années Soixante. L’auteur nous propose de les suivre durant quarante ans, de leur adolescence à aujourd’hui, chacune de leur côté. Deux femmes qui vont vivre libres, même si c’est de deux manières bien différentes. Si Clarisse est passionnée, virevoltante, sans cesse en quête de plus de vie, elle est hantée par les échecs, les séparations et finalement la solitude. Eve planifie son existence, fonde une famille, cultive la stabilité rassurante d’une vie rangée qui pourrait bien être bousculée. Qui a tort, qui a raison ? Ce n’est pas le propos du livre qui laisse chacune se déployer selon l’intuition profonde qui fait battre le cœur, en quête de bonheur. Mais c’est quoi, au juste, le bonheur ?
On apprend que le bonheur est passager, se joue des destins et surgit parfois, par surprise, sans gommer pour autant les moments de découragement : « En dehors de ses enfants, Clarisse avait l’impression d’avoir renoncé à ses rêves », se dit-elle lors de ces dîners en ville durant lesquels les convives étalent leur bonheur. De l’autre côté de l’Atlantique, Eve bâtit son bonheur comme elle peut, sans ambition mais résolue : « Il a vu mes pires côtés et il m’épouse quand même, dit-elle de Paul. Quant à moi, je sais qu’il peut être mesquin et cruel, et je le désire malgré tout. L’amour, n’est-ce pas ce désir qui persiste malgré tout ? », interroge Eve. A l’adolescence encore, Clarisse a subi une agression, mais elle avance, elle aussi, malgré tout : « Clarisse songea qu’il y avait en elle une force qui n’était pas seulement la jeunesse, mais aussi un désir de vivre plus puissant que les piqûres de scorpion et les déceptions amoureuses ». Deux destins de femmes, parallèles pendant des années, qui vont finir par se croiser, elles si différentes, qui vont se reconnaître et incarner, finalement, cette quête inlassable d’un bonheur déjà là et pourtant toujours à inventer.
Deux personnages féminins mais un roman qui n’est pas à toute force féministe, non ; un roman à la facture classique pour raconter la vie, l’amour, la maternité, le désir et le bonheur, en dépit des échecs, des abandons et des deuils. En fait, Clarisse et Eve pourraient être nos mères, nos sœurs, nos cousines, tant elles inscrivent leur histoire dans la force du quotidien et des évènements personnels, tel l’accouchement d’Eve pourtant pas banal dans un taxi New-yorkais : « La naissance de leur deuxième enfant par un jour de grand froid dans un taxi de New York ferait à jamais partie de la mythologie dont se nourrit toute histoire d’amour ». Et puis, il y a les petits secrets, les infidélités inavouables, les rêves abandonnés. Le lecteur suit l’une et l’autre, quarante années durant dans ses petites histoires : « L’écriture est un art de la précision, dit le narrateur. On assemble des ingrédients en suivant une vision, mais au bout du compte ce qui importe, c’est de trouver le bon dosage », ce que réussit magnifiquement Catherine Cusset. Du Sida au covid 19, c’est toute une époque qui s’incarne dans des personnages libres et pourtant soumis aux contraintes du temps. A chacun de tracer sa route. Le bonheur est à ce prix.
La définition du bonheur, de Catherine Cusset, est publié chez Gallimard.
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