À Houesville, non loin de Carentan-les-Marais dans la Manche, on perpétue une tradition depuis des centaines d’années. La mise au marais est une sorte de camp de vacances surveillé pour les vaches et les chevaux. Certains agriculteurs de la région font plus de 100km pour y déposer leurs bêtes afin qu'elles profitent des pâturages verdoyants du marais en toute liberté de mai à novembre. Cette année, elle a eu lieu le 9 juin 2023. Reportage.
Il est 8h30 quand Thierry, le gardien, prend son poste devant la barrière donnant sur le marais de Houesville. Située au lieu-dit du Boujamet, la parcelle s’étend sur 67 hectares d’un seul tenant. Quelques minutes plus tard, un premier tracteur traînant une remorque remplie de bovins se présente. L’éleveur se gare dans l’immense champ et libère ses vaches. Comme des furies, elles se précipitent dans l’immense étendue verdoyante en courant à toute allure. Après plusieurs mois enfermée à l’étable, l’expérience ressemble à une sortie au parc d'attractions pour les ruminants. Ils seront une dizaine en Normandie à venir aussi déposer leurs animaux.
Cette année la mise au marais s’est déroulée vendredi 9 juin, quasiment un mois après la date habituelle, ce qui arrive de plus en plus souvent, la faute aux intempéries et nombreuses pluies du printemps. «Probablement le dérèglement climatique», nous glisse Michel Jean, le maire délégué de la commune de Houesville.
La mise au marais, c’est quoi ?
Ce champ, en plein cœur des marais du Cotentin, appartient à la mairie de Houesville (ndlr : désormais commune déléguée de Carentan-les-Marais) et comme depuis plusieurs siècles, la municipalité perpétue la tradition de la mise au marais. La commune propose à des éleveurs d’accueillir leurs animaux de mai à novembre dans un champ surveillé et délimité en échange d’une somme d’argent. La mise au marais permet aux éleveurs de libérer de la place dans leurs exploitations, tout en engraissant les bêtes qui vont se régaler de l’herbe disponible en quantité. Habituellement, la parcelle de Houesville reçoit 170 têtes dont 50 équidés. Toutes sont réunies en un seul et unique cheptel, sous la surveillance de Thierry, ouvrier ostréicole et à mi-temps gardien du terrain. Son travail : « Voir si elles sont malades, si elles tombent dans les fossés, si elles cassent les clôtures, éviter qu’elles se sauvent.» Une fois le troupeau déposé, les agriculteurs se rendent à la mairie pour finaliser l’aspect administratif.
Un moyen d’entretenir le marais
Depuis 2020, c’est Michel Jean qui a repris le flambeau de cette tradition, en devenant le premier édile du village. Installé à la mairie, il accueille les agriculteurs et procède aux dernières vérifications. Les animaux doivent être comptés, stérilisés et vaccinés contre les maladies qui pourraient contaminer tout le cheptel. Une fois les papiers contrôlés, il est l’heure de passer à la caisse pour les agriculteurs. En 2023, ce sera 102€ par vache et 135€ par cheval pour l’ensemble de la période. Si l’on multiplie le prix par le nombre de tête, c’est une coquette somme que perçoit la mairie. Ce n’est pas l’avis de Michel Jean : «Quand on a payé les impôts fonciers, l’entretien des douves, le gardien, les réparations, ça rapporte financièrement peu.» L’intérêt, selon lui, se situe dans l’entretien du marais qui reste propre et qui ne nécessite pas de fauche, en plus de perpétuer une tradition qui remonte au XIVe siècle. À l’époque, les marais appartenaient à l’abbaye de Lessay qui permettait aux habitants d'utiliser le marais en échange d’une taxe. Cette pratique est conservée par la commune qui a récupéré la propriété du marais suite à la Révolution Française et l’a perpétuée jusqu'à nos jours.
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