Un énième roman sur la Pucelle d'Orléans ? S'il est un sujet inépuisable pour un romancier c'est bien cette "affaire" Jeanne d'Arc, dont "on ne connaîtra jamais le fin mot". Dans "Le Bon Cœur" (éd. La Table Ronde), Michel Bernard retrace l'histoire incroyable d'une paysanne de 17 ans qui quitte Vaucouleurs au mois de février 1429 et qui, 10 jours après, est reçue par le roi de France à Chinon.
Dans son roman, Michel Bernard donne l'impression que très vite la toute jeune femme arrive à convaincre, à accéder au roi et que même le roi est assez vite convaincu. Il y a là comme un double mystère. D'abord celui des voix qu'elle entend. "Mystère insondable de la révélation divine" - au XVe siècle, dans "un monde où la relation à Dieu a un caractère d'évidence", c'est quelque chose qu'on peut comprendre. "Il était communément admis que Dieu intervenait dans les affaires humaines directement."
Aujourd'hui, "ça reste un mystère". La question de savoir si elle était folle ou si elle a réellement eu une révélation divine se pose toujours - la psychanalyse aussi s'est emparée de la question. Pour le romancier, on s'en doute, que cela reste à l'état de mystère n'est pas un mal.
Il y a aussi le mystère de Jeanne elle-même. Qui était-elle ? Si elle est l'un des personnages les plus connus du Moyen Âge, c'est grâce aux archives de son procès. Ses réponses montrent que l'"on a affaire à une femme remarquablement intelligente, douée d'un sens de la repartie peu commun, d'humour - elle se moque de ses juges"... Et vu ce qu'elle a vécu, on peut aussi lui prêter un courage et une détermination hors du commun. Pour Michel Bernard on dirait aujourd'hui qu'elle est "une athlète et une surdouée". Dans son roman, il la rend en tout cas très humaine.
En quelques semaines, Jeanne d'Arc passe de sa maison de Domrémy (dans les Vosges) - aujourd'hui "l'un des endroits les plus sensibles du territoire national" précise Michel Bernard - à la cour du roi de France. Là, elle se trouve en face de seigneurs, du roi, d'ecclésiastiques... Elle, avec son langage "très direct, très concret" de petite paysanne, se trouve devant des gens cultivés qui parlent latin. "Et tout au long de son aventure elle va se trouver confrontée à cet univers d'une grande complexité, jusqu'à la fin, jusqu'à son procès... Ce sont des universitaires qui jugent Jeanne d'Arc."
Cet écart de langage, le romancier y trouve quelque chose de poétique. "Son niveau de langage à mon sens n'est pas un langage élémentaire mais le langage même de la poésie." Si la Jeanne de Michel Bernard "a le sens des choses concrètes" et "voit les réalités", les autres "voient les choses dans une telle complexité, un tel brouillard de mots, qu'il finissent par s'y perdre". Certes, la jeune femme devait avoir un charisme. "Elle devait avoir ce magnétisme dans les yeux et quelque chose de spécial dans son attitude." Mais pour Michel Bernard, tout s'est joué dans le langage. "Je crois que toute cette affaire ne peut s'expliquer que par son langage."
Haut fonctionnaire, Michel Bernard est l'auteur de plusieurs romans, dont "La Tranchée de Calonne" (éd. La Table ronde, 2007), "Deux Remords de Claude Monet" (2006) ou "Le Corps de la France" (2010)
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