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"La vie de château en famille" : mettre en lumière le patrimoine public et privé

Un article rédigé par Yves Thibaut de Maisières - 1RCF Belgique, le 25 avril 2024 - Modifié le 29 août 2024
16/17Une journée dans la peau d'un châtelain !

La Belgique, et la région Wallonne en particulier, détiennent un record de grandes bâtisses qui portent le nom de château. Il y en aurait 1500 en Wallonie. Le 1er mai, l'agence Wallonne du patrimoine met en lumière 28 châteaux - publics et privés - en proposant à leurs propriétaires d'accueillir les visiteurs. “La vie de château en famille”, c'est le thème de cette journée spéciale qui permet de comprendre notre histoire et notre patrimoine ! Yves Thibaut de Maisières s'est penché sur le sujet. 

(C) Château de Freÿr (Wikipedia)(C) Château de Freÿr (Wikipedia)

Pour la quatrième édition de cette journée thématique, l'agence wallonne du patrimoine met en lumière 28 bâtisses exceptionnelles. Etienne Sermon, à la direction de la Promotion du patrimoine, nous explique les raisons d'un succès. 

Les raisons d'un succès 

Etienne Sermon : c'est une activité qui rencontre de plus en plus de succès. La Wallonie est une terre de châteaux. C'est quand même ancré dans notre histoire, ça coule dans nos veines en Wallonie. “La vie de château en famille” est une activité qui permet d’aller découvrir des lieux qui sont près de chez vous. Il y en a 28 qui sont proposés à la visite. Si on réédite cette opération, c'est que ça fonctionne : plusieurs centaines de personnes chaque année décident de se rendre dans ces châteaux pour voir et connaître l'histoire de la Wallonie. 

Il y a des châteaux qui appartiennent à un pouvoir public, que ce soit la région, la province, ou une commune, et puis il y a des châteaux privés. Dans ces deux catégories, il y a des édifices qui sont visitables plus ou moins facilement, d'autres pas du tout. C’est l'occasion d’avoir des activités qui sont organisées, des visites ou des jeux pour les enfants. Parfois, quand le château est privé, on peut entrer dans l’édifice en tant que tel, mais on peut aussi profiter des alentours qui sont très beaux : les jardins, une belle drève, c'est toujours très agréable et ce sera visitable. 

 

Affiche Agence wallonne du patrimoine

 

Comment se passe la prise de contact avec les propriétaires de demeures privées ? 

E. S. : concrètement, ce sont souvent des propriétaires avec qui nous travaillons déjà, des propriétaires qui ont fait appel à l'Agence Wallonne du patrimoine pour avoir des conseils lors d'une restauration, pour obtenir des subsides dans le cadre de certains travaux par exemple. D'autre part, il y a pas mal de propriétaires qui ont entendu parler soit des journées du patrimoine, soit de cette activité spécifique, et qui se sont tournés vers nous. On a eu un contact avec eux, on leur a expliqué comment ça fonctionnait et ils ont relevé le défi. Le moteur essentiel dans le chef des propriétaires - privés ou publics - c'est un sentiment de fierté. Un château, c'est quelque chose de beau qui fait rêver petits et grands !

Certains châteaux privés sont classés, leurs propriétaires reçoivent des subventions publiques. Cela les oblige-t-il à les ouvrir et à les montrer au public ?

E.S. : il n'y a pas d'obligation formelle. Ce n'est pas parce que vous avez fait des travaux en tant que propriétaire et que vous avez reçu une aide de l'Association du patrimoine pour financer certains travaux que vous avez l'obligation d'ouvrir aux Journées du patrimoine. Par contre, il est clair que certains propriétaires, suite à une rénovation, sont quand même fiers. C'est une forme de reconnaissance, de fierté. Ce sentiment de fierté est très fort, aussi bien dans le chef des propriétaires que des visiteurs, on est fiers en Wallonie d'avoir des bâtiments d'une telle histoire, d'une telle beauté ; c’est aussi un investissement qui peut être rentable. 

 

Le financement public du patrimoine n'est certainement pas de l'argent investi simplement dans de vieilles pierres. Il y a tout un contexte, toute une histoire, une fierté et une activité économique. Il s’agit d’un secteur qui peut être porteur, créateur d'emplois.

 

Le lien entre l'activité patrimoniale, culturelle et le développement économique peut être fait. Ce n'est certainement pas de l'argent investi simplement dans de vieilles pierres. Il y a tout un contexte, toute une histoire, une fierté et une activité économique. Il s’agit d’un secteur qui peut être porteur, créateur d'emplois. La vie de château n'est pas uniquement un club. Le pouvoir public est en possession de certains châteaux et décide de les ouvrir parce que c'est l’occasion de montrer ce que l’on en fait au contribuable. 

Des animations ludiques dans un château médiéval 

 

Anne-Lise De Longueville est médiatrice pédagogique pour la maison du patrimoine médiéval mosan. Elle connaît et anime des activités ludiques pour les jeunes enfants au château médiéval de Poilvache à Yvoir, en province de Namur. 

Les ruines du château       (C) Wikipedia CC BY 2.0

La première raison de venir à Poilvache, c'est bien la vue qu'on a depuis ce site historique ?

La vue est exceptionnelle, on se trouve à 100 m au-dessus de la Meuse sur la rive droite en promontoire rocheux. Rien que pour la vue, ça vaut le détour ! Par ailleurs, c'est un château qui n'a vécu que deux siècles ; une histoire très courte, mais très intense puisque c'est un château qui a été construit au tout début du XIIIe siècle et qui verra sa destruction en 1430. 

On fait face à 700 mètres de remparts, c'est une très grande surface avec 2 hectares et demi. Il y a toute une partie château avec encore un ancien puits, des anciens bâtiments, des citernes, etc. Et d’autre part toute une partie aussi qui était plutôt un bourg, une sorte de petite ville où il y avait des maisons et là les traces sont un peu plus limitées puisque les maisons étaient en torchis, en matériaux plus légers. Mais on peut quand même encore voir quelques traces de maisons au sol et puis quelques tours du rempart dans lesquelles on peut entrer. Le 1er mai, il y aura des activités pour les 3 à 5 ans (jeu d'observation, avec une série de petits défis) et un jeu de piste pour les 6 à 12 ans.

Qui est propriétaire, quelles-sont les personnes qui font rayonner ce patrimoine ? 

Le château est la propriété de la région Wallonne mais avec une ASBL (les amis de Poilvache), composée de bénévoles qui font vivre ce site en l’ouvrant régulièrement au public les week-ends et tous les jours pendant l'été. De plus, ils assurent l'entretien du site, puisque celui-ci est très végétalisé.

Près de chez vous, Verviers-ArdennesPatrick Hoffsummer, compagnon du château fort de Franchimont

Châtelain, une vocation de "passeur de témoin"

 

Le comte Bernard de Traux de Wardin et son épouse ont décidé d'ouvrir leur demeure familiale, le château de Jodoigne-Souveraine (18e siècle), au public. Pour eux, c'est l'occasion de transmettre la connaissance historique de la région, mais aussi celle de l'architecture d'époque...

Château de Jodoigne-Souveraine      (C) Capture Google Maps

On peut apercevoir la très belle façade de votre château depuis la route vers le centre-ville de Jodoigne. D’un point de vue historique, on se situe sur une construction édifiée au 18e siècle. Qu’est-ce qui fait la particularité du château de Jodoigne-Souveraine ?

Bernard de Traux : effectivement on se situe en plein dans le 18e siècle et la maison en question est un remarquable témoin de l'architecture hesbignonne (de la Hesbaye N.D.L.R.). On peut donc observer la magie de la brique et comparer avec un site voisin, la ferme de la Ramée. Jodoigne-Souveraine est un bâtiment mixte : à la fois agricole - une partie de la demeure était destinée à l'agriculture - et une autre partie était ce qu'on appelait à l'époque la demeure seigneuriale. L’histoire du château est intimement liée à la famille de Glymes, une famille ancienne et extraordinairement associée à l'histoire de nos provinces, de la Belgique, de la Flandre, rendant les choses intéressantes, à la fois architecturalement et au niveau historique. 


Ce n’est pas la première fois que vous recevez chez vous, dans votre demeure familiale. Aujourd'hui, est-ce qu’être châtelain ça comporte plus d'abnégation, de travail, ou bien plus de plaisir de vivre dans ce lieu porté par les générations précédentes ?

B. T. : c'est les deux : indubitablement de l'abnégation et du travail, puis de la joie. On est en quelque sorte conservateur de notre histoire. C'est une vocation ! Ce n'est pas avant tout un plaisir, c'est un plaisir si vous le faites bien. Cela exige de l'abnégation, beaucoup de travail, parce qu'évidemment ces demeures anciennes demandent un entretien considérable : il faut sans arrêt - si on veut les habiter - les adapter à l'évolution des choses. 

Quand on accepte la mission d'être un passeur de témoin pour l'histoire de notre pays, de nos proches, et qu’on s'y consacre totalement (ce que nous faisons avec mon épouse) nous acceptons les renoncements : nous ne voyageons pas ou très peu. Mon épouse a beaucoup aménagé le jardin (nous avons d’ailleurs remporté le prix de Mérode en 2007, pour le plus bel aménagement de jardin !).  Cela dit, quand cette mission est acceptée, nous la vivons comme un plaisir. D’abord parce que le lieu est magnifique, puis parce que nous voyons les choses évoluer et s’améliorer de génération en génération. 

Pleins FeuxPleins Feux sur Michel de Ligne

En ouvrant votre demeure familiale à la visite, vous faites entrer le public dans votre intimité, en quelque sorte. Que souhaitez-vous leur montrer de votre lieu de vie ? 

B. T. : accueillir les visiteurs fait partie de la vocation ! Visiter le château de Jodoigne-Souveraine, c'est un peu un cours d'histoire. En montrant certaines parties de l'intérieur, on découvre des tableaux intéressants sur l’histoire de grandes familles, on remonte dans le temps. Mais aussi, on y découvre l'extraordinaire habileté des artisans. Il y a un art du maniement de la brique qui est là, et qui s'est perdu depuis, de la création de voûtes en briques, qui est un art artisanal exceptionnel qui fleurissait dans la région !

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