L’abbé Grégoire. Un nom généralement associé à la Révolution française. De fait, ce prêtre de l’Église catholique était un révolutionnaire enthousiaste. Le 14 juillet 1789, c’est lui qui présidait l’Assemblée nationale. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il s’est beaucoup intéressé au sort des juifs. On en parle avec Françoise Hildesheimer, historienne et archiviste auteure de « L’abbé Grégoire - Une "tête de fer" en révolution » (éd. Nouveau monde, 2022).
Henri Jean-Baptiste Grégoire, connu sous le nom de l'abbé Grégoire (1750-1831) "a vécu dans cette utopie que les idées révolutionnaires et l’idéal évangélique c’était la même chose", note Françoise Hildesheimer. "Il a toujours vécu dans l’idée d’un monde idéal, plein d’harmonie et d’amour où les peuples de toutes les couleurs, parce qu’il s’est aussi intéressé aux gens de couleur, auraient la même humanité et des capacités naturelles égales." Jusqu’à sa mort il a maintenu sa position. Même face à l’archevêque de Paris qui aurait aimé le voir récuser ses idées révolutionnaires, raconte sa biographe. Il a déclaré : "J’ai toujours cru, j’ai toujours confessé que la religion de Jésus Christ était l’amie de la liberté, de toutes les idées généreuses."
Né en Lorraine, l’abbé Grégoire a grandi dans la province des Trois-Évêchés, où les juifs étaient tolérés – "contrairement au royaume de France où les juifs étaient proscrits depuis 1394", précise l’historienne. À la veille de la Révolution, on estime à 500 le nombre de familles juives en Lorraine. Ils bénéficiaient d’une "certaine tolérance" et d’une "certaine bienveillance arbitraire du pouvoir à leur endroit". Ils vivaient toutefois "confinés dans des ghettos" même s’ils "participaient à l’essor économique de toute la région du Nord".
L’abbé Grégoire a été assez tôt sensibilisé au sort des juifs. En 1779 il a produit un mémoire sur "les moyens de recréer le peuple juif". Mémoire qu’il a retravaillé pour participer au concours organisé par la société royale des sciences et des arts de Metz, sur le thème : "Est-il des moyens de rendre les juifs plus heureux et plus utiles en France ?"
Le décret du 27 septembre 1791 faisait des juifs des citoyens français. L’abbé Grégoire est de ceux qui ont plaidé pour leur entrée dans la nation. "Grégoire est dans la norme de l’époque", précise l’historienne. Il aurait pu faire siens les propos du comte de Clermont-Tonnerre en 1789 : "Il faut tout leur refuser comme nation, et tout leur accorder comme individus. Il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique ni un ordre. Il faut qu’ils soient individuellement citoyens."
En lisant certains écrits de l’abbé Grégoire, on ne peut que conclure à une forme d’antijudaïsme. S’il "fustige l’attitude des gouvernements européens qu’il accuse de cruauté et d’injustice envers les juifs", l’abbé Grégoire "ne renonce pas à sa vocation de curé" ni à sa mission qu’il croit être la conversion des juifs notamment. "Son but c’est de régénérer les juifs - le mot n’est pas neutre, admet Françoise Hildesheimer, mais ce qui le distingue, considère l’historienne, c’est qu’il plaide pour une attitude humaine. Il estime que le peuple juif est un peuple témoin dont la dispersion a été un événement fondamental de l’histoire humaine. Même si son but c’est la conversion…"
Cette émission, réalisée sous forme d’entretiens, a pour objectif la découverte des racines juives du christianisme. La culture et les références chrétiennes étant de moins en moins connues, il est important d’en rappeler les racines et donc le sens. Et c’est dans la tradition juive qu’il faut chercher cet enracinement, tant dans le domaine de la prière que de l’éthique ou des textes évangéliques.
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