Mila, cette jeune fille qui, pour avoir posté sur la Toile une vidéo provocatrice et insultante envers l’islam doit vivre sous protection policière, quitter son lycée et retrouver une place dans un autre établissement, sous un déferlement de haine et de menaces de mort.
Les propos malheureux de la garde des Sceaux, il y a 15 jours, expliquant que « L’insulte à la religion, c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience », étaient malheureux et semblaient réintroduire le blasphème, à savoir l’interdiction de critiquer une religion. La garde des Sceaux s’en excuse et s’en explique donc dans cette tribune. Au moins, cette affaire a permis de remettre les pendules à l’heure sur la liberté d’expression dans une démocratie.
Dont acte. Pour autant, je ne sais pas si l’affaire Mila se réduit à un problème de liberté d’expression à l’encontre des religions. Derrière, il y a aussi toute l’incapacité de notre société à maîtriser les réseaux sociaux. Cette sorte de monstre, que nous avons créé, et dont nous sommes désormais incapables de gérer et maîtriser les excès.
Les réseaux sociaux sont un instrument fascinant de communication, certes. Mais ses utilisateurs, qui se comptent par millions, ont-ils pris conscience que, à l’instant même où leur vidéo, leur texte, leur photo, est posté, il tombe dans le domaine public ? La frontière entre le privé et le public est totalement abolie. En avons-nous tiré les conséquences ? Dans l’ancien monde, cette polémique d’une lycéenne avec ses détracteurs, n’aurait pas franchi les barrières de la cour d’école.
Que signifie la possibilité dans une société civilisée, d’aller sur la place publique, insulter d’autres groupes, sans plus d’arguments, sans débat ? Car la riposte sera alors elle aussi du même acabit. Et cela provoque une spirale de violence à l’état brut, sauvage, pulsionnelle. Dire que l’on a le droit d’injurier une religion est vrai. Mais un peu court.
Cette affaire doit aussi conduire à s’interroger sur ce mode de communication que nous offrent les réseaux sociaux, qui privilégient la juxtaposition de phrase, de haines, d’injures, dans un défoulement permanent. Peut-on construire une société qui ne parvient ni à dialoguer, ni à débattre ? La liberté d’expression ne s’improvise pas. Elle passe aussi par une éducation, un apprentissage à la conversation et à l’écoute. Que l’école de Mila ait été incapable d’organiser ce débat est sans doute la plus mauvaise nouvelle de cette triste affaire.
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