Valérie de Marnhac revient sur la sortie de deux films aujourd'hui. "The French Dispatch" de Wes Anderson et "Las Ninas" de de Pilar Palomero.
La sortie du jour c’est le dernier film de Wes Anderson "The French Dispatch". Il a tout pour nous plaire : une distribution hallucinante (Timothée Chalamet, Léa Seydoux, Bill Murray, Frances McDormand, Benicio Del Toro,…), le scénario est bourré de références culturelles à la France vu par un américain (c’est assez jubilatoire !). Et puis, c’est enfin un film qui rend hommage à la presse et au journalisme ! après les deux brûlots que sont "France" de Bruno Dumont et "Illusions perdues" dont on a parlé la semaine dernière
Cela dit, il manque au film ce petit quelque chose qui en fait un coup de cœur qu’on a envie de partager. Pas vraiment d’émotion, pas de réel fil conducteur. Hormis le prétexte d’un dernier numéro du magazine "The French Dispatch", c’est une succession de reportages, certes bluffants d’inventivité de la part de Wes Anderson. Mais le film reste au stade du brillant exercice de style.
Focus sur un film espagnol distribué par la société Epicentre qui avait déjà sorti il y a un an "Une vie secrète". Vous vous souvenez peut-être de ce film assez impressionnant, l’histoire d’un résistant antifranquiste, obligé de se cacher chez lui pendant plus de 30 ans, de peur des représailles du régime. Mais là c’est un tout autre sujet ! Le film s’intitule Las Ninas, de Pilar Palomero. C’est un premier long-métrage, et elle a obtenu quatre des principaux Goyas espagnols. L’histoire se déroule à Saragosse en 1992, et nous raconte le passage à l’adolescence d’une jeune fille de 11 ans, dans une société assez conservatrice et marquée par une morale catholique plutôt étriquée.
La réalisatrice y voit un signe de modernité pour l’Espagne. La Movida était passée par là et Franco, un vieux souvenir. Pour Célia, l’événement de l’année, c’est l’arrivée dans sa classe d’une nouvelle élève qui arrive de Barcelone justement, et qui va l’ouvrir aux premiers émois de son âge. Le film est très sensible, très délicat. Il est entièrement tourné à hauteur des filles, et montre avec beaucoup de tendresse et d’authenticité leurs craintes, leurs questionnements. Et leurs moments de complicité qui sont très naturels et spontanés.
Elle note d’abord le peu de films tournés en Espagne sur le monde de l’enfance et sur le passage à l’âge adulte. Pour moi, "Las Ninas" n’a pas la noirceur ni la dureté de "Cria Cuervos", qui se passait en plein franquisme. Je le rapprocherais plus d’un "Diabolo menthe" français, ou de "L'Effrontée" de Claude Miller. C’est un récit qui avance par petite touche, et qui lève le voile progressivement sur l’apprentissage de Célia. La mise en scène est discrète, avec qqs moments forts.
Dans la séquence d’ouverture du film, une sœur du collège -chef de la chorale apprend à celles qui chantent faux, à chanter en playback. On n’entend que le bruit de leurs langues qui claquent sur leurs palais. Et le dernier plan du film y répond en écho de manière très émouvante. Et clôt ainsi un joli parcours d’éveil à soi-même qui passe par la parole.
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