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Le bâtard de Nazareth, de Metin Arditi

Un article rédigé par Christophe Henning - RCF, le 14 avril 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
L'Actualité littéraireLe bâtard de Nazareth, de Metin Arditi

Ne vous arrêtez pas au titre, provocateur, racoleur, qui s’explique dans le texte, mais qui a tout pour aguicher. Rien que cela, j’aurais pu ne pas vous en parler, mais justement, puisque le titre nous provoque, et qu’il s’affiche même sur les panneaux publicitaires et les bus de certaines villes, on ne va pas passer à côté.
 

ArditiArditi

Allons voir ce qu’il y a sous la plume de Metin Arditi, bel écrivain qui n’a habituellement rien d’un iconoclaste. D’ailleurs, il a pris soin de faire lire son texte par des exégèses reconnus, tel Daniel Marguerat, c’est dire que son livre n’est pas totalement sacrilège. En fait, et ce n’est pas le premier auteur à s’y risquer, je pense notamment à Ernest Renan, au XIXe siècle, Arditi veut nous décrire l’homme Jésus sans chercher à connaître le Christ. Un homme nommé Jésus, qui se trouve être né de Marie et élevé par Joseph, et de père inconnu… L’enfant grandit en taille et en sagesse, il est particulièrement doué : « L’enfant apprenait avec une facilité que le rabbin Ezéchiel n’avait observée chez aucun autre garçon de Nazareth, sa mémoire était prodigieuse, et sa curiosité intarissable. » Etape suivante, avec Jésus en pèlerinage à Jérusalem, il débat avec les rabbins pendant que ses parents le cherchent, on connaît l’histoire…

Bien sûr, Metin Arditi s’appuie sur les évangiles, mais aussi sur ce que l’on sait de cette époque sous domination romaine et encadrée par les responsables religieux intransigeants, gardiens de la loi, alors même que des groupes plus ou moins agités défendent les minorités. C’est le parti pris de l’auteur qui nous présente un homme politique plus qu’un guide spirituel. Pas de miracles si ce n’est le pouvoir de guérisseur, pas de prière à Dieu le Père. C’est la blessure originelle – être un bâtard – qui nourrit cette colère d’un Jésus qui se dresse contre l’autorité : « Il y a autre chose que la Loi, se dit-il. Le besoin de se montrer charitable, niché au cœur des hommes, et qui les dépasse. » Même face à Jean le Baptiste, ce Jésus se démarque : « Etait-il nécessaire de brandir la menace de la fin du monde et d’attiser les peurs pour convaincre ces miséreux de demander le baptême ? » Reste que le romancier, évidemment, s’autorise bien des libertés. On n’est pas trop surpris que Marie de Magdala tombe dans les bras de Jésus, que Judas soit le fer de lance de la révolte : « Crée ta propre secte. Tu en seras le Seigneur. Tu imposeras ton interprétation des Lois. Nous serons nombreux à te rejoindre. » L’auteur va même jusqu’à mettre en scène un trop long procès de Jésus devant le grand prêtre à coup d’arguments, loin des évangiles, mais n’est-ce pas là encore, la liberté du romancier ?

C’est un roman, ce n’est pas parole d’évangile… A chacun de se faire une idée. Il y a de belles scènes reprises des évangiles comme par exemple les béatitudes, devant la foule : « Que leur dire ? Comment faire naître un début d’espérance ? Pris de court, j’eus un mot d’une rare naïveté : « Heureux ceux qui pleurent ils seront consolés. » Jésus est aussi dans ce livre. Ceux qui pourraient être choqués par les excès de l’écrivain peuvent s’en passer. Ceux qui cherchent à toujours mieux comprendre l’homme Jésus y trouveront de belles intuitions, des scènes cinématographiques… Et peut-être que chaque époque doit s’approprier la vie inépuisable de Jésus. C’est ce que nous dit Jean à la fin de son évangile, chapitre 21, verset 25 : « Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait. »

Le bâtard de Nazareth, de Metin Arditi, est publié chez Grasset.

Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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