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« Le convoi » : Beata Umubyeyi Mairesse revient sur son nouvel essai littéraire à l’antenne d’RCF Bordeaux

Un article rédigé par Mélanie Uthurralt - RCF Bordeaux, le 18 juillet 2024 - Modifié le 19 juillet 2024
Cinquième de couverture"Le Convoi" - Beata Umubyeyi Mairesse

Nous avons reçu à l’antenne de RCF Bordeaux Beata Umubyeyi Mairesse, auteure, formatrice et animatrice de cercles de lectures afro-caribéennes. A cette occasion, elle nous a présenté son nouvel essai littéraire autobiographique « Le convoi », paru aux éditions Flammarion. Mêlant enquêtes et récits personnels, l’auteure y raconte son adolescence, persécutée lors du génocide des tutsis au Rwanda. Elle décrit également sa quête de vérité en tant qu’adulte en reconstruction, nous invitant à tirer de son récit une leçon d’humanité.

Photo de Beata Umubyeyi Mairesse prise par Céline Nieszawer, FlammarionPhoto de Beata Umubyeyi Mairesse prise par Céline Nieszawer, Flammarion

Le récit d’un lourd passé 

L’auteure et formatrice Beata Umubyeyi Mairesse revient sur les étapes clef de la rédaction de son nouveau livre « Le convoi », paru aux éditions Flammarion.  Survivante du génocide des tutsis au Rwanda, son intervention à notre antenne s’inscrit dans la lignée de ses prises de parole, combats et engagements humanitaires participant à un travail de mémoire essentiel.

Le titre de son ouvrage renvoie à un souvenir indélébile : le jour où un convoi humanitaire lui permit d’avoir la vie sauve. Le 18 juin 1994, Beata Umubyeyi Mairesse fut secourue par l’ONG Suisse « Terre des Hommes ». Ensuite accueillie et scolarisée en France, elle réalisa qu’il lui était impossible de raconter son vécu, tant une « incommunicabilité » subsistait autour de ce sujet.

Ce silence devint assourdissant, insoutenable. Certaines victimes parlaient, mais elles n’étaient jamais assez écoutées. C’est donc après des études mêlant lettres et sciences politiques que Beata Umubyeyi Mairesse finit par se diriger vers l’écriture. Pour que ses récits soient audibles, elle se replongea dans l’horreur du génocide à travers la création de récits et de personnages fictifs. Ce n’est que 15 ans plus tard après qu’elle décida de raconter sa vérité. 

La construction de l’écrivaine

Beata Umubyeyi Mairesse vivait cachée depuis des mois avec sa mère à Butare lorsqu’elles furent débusquées le 7 Juin 1994. Jeune fille métisse, son apparence et son courage lui permirent de se faire passer pour une française, une alliée,  afin d’être épargnée. Elle inventa son premier récit, celui d’une française cherchant à rejoindre son père en France. Ce récit salvateur, elle le répéta à quiconque croiserait sa route, jusqu’à ce convoi humanitaire qu’elle emprunta avec sa mère. 

A l’âge adulte, elle sentit le besoin de retracer le fil de son histoire en se lançant à la recherche de clichés pris par des reporters le jour de son sauvetage. Elle essuya plusieurs échecs, naviguant de pistes en pistes dans l’espoir de réussir à refaire le fil de cette journée qui changea le cours de sa vie. Photographes, journalistes, humanitaires : elle contacta plusieurs personnes et rassembla des bribes de son passé grâce à des images, des réponses, des e-mails. C’est la rencontre d’un rescapé secouru par le même convoi qui donna un nouveau sens à ses recherches. Il s’agissait à présent de retrouver les autres enfants à qui elle restitueraient ces photos, reliques de cette journée si spéciale.

Cette quête l’inspira à construire son propre récit, racontant le génocide, son sauvetage et la difficulté pour avoir accès aux images sur lesquelles elle apparaissait. 

Un devoir de mémoire nécessaire

L’écriture de ce nouvel ouvrage lui permit de se réapproprier son histoire et légender les photos qui restaient de cette journée. Son travail est d’autant plus important qu’il existe aujourd’hui une majorité de travaux réalisés par des occidentaux au sujet du génocide rwandais. De ce fait, l’auteure souligne la nécessité de placer les principaux concernés au centre du récit, légitimant la mémoire au même titre que l’histoire.

Son livre ne désigne ni monstres ni héros. Selon elle, il est nécessaire de saisir la complexité des situations en Afrique pour éviter de tomber dans la caricature du « continent décourageant », terme que l’auteure emprunte à Annie Ernaux. Beata Umubyeyi Mairesse insiste également sur le caractère moderne et politique du génocide Rwandais, rappelant l’implication de la France. 

Les adultes qui ont parfois l’impression qu’ils savent mieux que moi ce que j’ai vécu et qui sont pleins de certitudes, m’intéressent moins que la nouvelle génération.

La transmission orale, elle la dédie à la jeunesse. Si étant plus jeune, personne n’eut le courage de l’écouter, aujourd’hui l’auteure multiplie les témoignages pour être entendue. Elle intervient de lycées en lycées pour raconter l’histoire d’une adolescente innocente qui, comme eux, ne pensait jamais vivre un génocide. Beata Umubyeyi Mairesse exhorte la jeunesse à développer un esprit critique, pour ne jamais céder à des discours haineux et discriminatoires qui mènent toujours au pire. 

Son intervention sur RCF Bordeaux a permis de rappeler que la violence et les génocides ne sont pas toujours aussi lointains géographiquement et temporellement qu’ils ne paraissent. Dès lors, être attentifs aux propos haineux et aux injustices autour de nous, relève de l’ordre du devoir pour ceux qui chérissent la paix. Elle donne une dimension didactique au récit de sa vie, rendant ainsi son histoire utile pour autrui. Cet épisode offre de nouvelles réflexions et perspectives à propos du génocide rwandais. Bien que traitant de sujets touchants, il est à la fois inspirant et porteur d’un message de paix.

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