"Le couteau, réflexions suite à une tentative d’assassinat", de Salman Rushdie, traduit par Gérard Meudal, paru aux éditions Gallimard est le choix littéraire de Christophe Henning. Un récit de la violence du monde et de la crise des religions.
Petit rappel historique : En 1989, l’ayatollah Khomeiny, en Iran, lançait une fatwa, c’est-à-dire l'ordre d'exécuter l'écrivain britannique Salman Rushdie. Il reprochait l’auteur de ridiculiser le Coran et Mahomet, dans son roman « Les versets sataniques ». Une menace prise très au sérieux et qui valut à Salman Rushdie de vivre sous haute protection pendant des années. Durant tout ce temps, Rushdie symbolise la liberté d’expression, toujours menacée. Avec le temps, ses apparitions publiques se sont multipliées, les mesures de sécurité se sont allégées… Jusqu’au 12 août 2022, 10h45, à Chautauqua, état de New-York. Ce jour-là, Salman Rushdie est invité pour donner une conférence. A peine arrivé sur l’estrade, il est agressé par un homme au couteau. Il ne faut pas plus de 27 secondes pour asséner quinze coups de couteau au romancier. « Il s’était écoulé trente-trois ans et demi depuis la fameuse condamnation à mort prononcée contre moi. (…) Pendant toutes ces années, je l’avoue, j’ai parfois imaginé mon assassin se lever de quelque assemblée publique et foncer vers moi exactement de cette façon. Aussi, ma première pensée quand je vis cette silhouette meurtrière se précipiter vers moi fut : C’est donc toi. Te voilà. »
Une agression qui aurait pu être dramatique : l’écrivain aurait pu perdre la vie…
S’en est suivi en effet des semaines d’hospitalisation, et s’il en réchappe, ce n’est pas sans séquelles, perdant notamment l’œil droit. Dès qu’il reprend conscience, il ne veut plus parler de l’agression. Mais petit à petit l’évidence s’impose à l’écrivain : il doit raconter ce qui lui est arrivé. Non sans quelques touches d’humour ou de provocation : « Comme le lecteur attentif l’aura deviné, j’ai survécu » écrit-il par exemple. C’est sa manière de répondre à l’émotion unanime à l’annonce de cette agression, à commencer par le président des States, Joe Biden : « Salman Rushdie, avec sa vision pénétrante de l’humanité et son inégalable sens du récit, son refus de se laisser intimider au réduire au silence, incarne des idéaux universels et essentiels, la vérité, le courage, la résilience. » Soigné par le personnel médical, accompagné sans relâche par son épouse Eliza, l’écrivain reprend pied et raconte.
Ce livre n’est pas seulement le récit de l’agression et des soins apportés : il évoque aussi la littérature, la violence du monde, la crise des religions…
Il ne cache pas son impatience, sa volonté de reprendre le cours de son existence. Il voudrait aussi s’adresser à son agresseur, comprendre : « Je voulais l’asseoir dans une pièce avec lui et lui dire : raconte-moi tout. » Mais en effet, plus largement, c’est cette folie humaine qu’il voudrait comprendre : « La colère me semblait un luxe déraisonnable. Elle ne servait à rien. J’avais des questions plus importantes à régler. » Il en fallait quand même passer par l’écriture de ce livre. Le couteau, c’est celui qui l’a touché, c’est aussi celui qui scinde l’existence de l’auteur en deux, l’avant et l’après. « Après plus de six semaines passées dans deux hôpitaux, je pouvais regagner le monde. (…) Mon mari est de retour, sanglotait Eliza. Mon mari est de retour. Il y a des moments, comme ceux-ci, écrit Salman Rushdie, où les événements sont difficiles à coucher sur le papier. »
Le couteau, Salman Rushdie, traduit par Gérard Meudal et publié chez Gallimard.
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