Amélie Nothomb publie un roman à chaque rentrée littéraire. Voici donc le cru 2022 avec le 31e livre, qui se trouve être "Le livre des sœurs" (éd. Albin Michel), comme l’indique le titre. L’an dernier, avec "Premier Sang", c’était un hommage à son père que signait l’auteure belge. Un roman qui lui a valu de recevoir le prix Renaudot. Cette année, retour à la fiction, même si ceux qui connaissent bien Amélie pourraient y trouver quelques clins d’œil autobiographiques.
C’est donc l’histoire, vous l’avez compris, de deux sœurs, aussi différentes que l’eau et le feu, issues d’un couple qu’on peut qualifier de fusionnel. Florent et Nora, les amoureux, se perdent dans le regard de l’être aimé et ne se préoccupent guère de leur progéniture. D’ailleurs, Tristane, l’aînée, fait tout pour se faire oublier, espérant contenter ses parents, tandis que sa cadette Laetitia brille de toute son indépendance. Tristane apprend à lire au plus jeune âge pour se désennuyer et échapper à ses parents. « On ne lui connaissait aucune défaillance, aucune bêtise, aucun enfantillage », dit-on encore de cette grande fille qui est comme une mère pour sa jeune sœur. Seules au monde ou presque, les sœurs se tournent résolument l’une vers l’autre : « Entre Tristane et Laetitia se produisit l’amour au sens absolu, l’amour hors catégorie, un phénomène d’autant plus puissant que non répertorié. »
Sont-elles seulement heureuses ?
Elles grandissent, mais est-on vraiment épanoui alors même qu’il manque le regard aimant de ses parents ? Il faut se méfier des apparences, Tristane « passe partout » traîne sa tristesse, car « être une petite fille terne, c’était sans espoir. Une petite fille grosse peut mincir. Une petite fille laide peut embellir. Que peut-il arriver à la petite fille terne ? Comment son absence d’éclat pourrait-elle s’inverser ? » Heureusement, il y a toujours le regard chaleureux de la petite sœur. Les liens du sang sont d’une incomparable force, et il faut bien être deux pour faire face à cette étrangeté que relève l’aînée : « écoute, Laetitia, nos parents ont quelque chose de spécial. Ils s’aiment. » Les sœurs grandissent comme de l’herbe sauvage, mais cette liberté pourrait bien mener nulle part… On le sait, avec Amélie Nothomb, la plume devient toujours un peu noire et grinçante, torturant ses personnages alors que le lecteur assiste impuissant aux renversements de situation. On rit, bien sûr, on s’inquiète parfois, et on se dit qu’il n’y a rien de mieux qu’un conte, fut-il sombre, pour apprendre la vie : « Quand comprendras-tu que les mots ont juste le pouvoir qu’on leur donne ? »
Un hommage à la sororité
Et on n'est pas surpris qu’Amélie Nothomb y consacre un livre, elle qui a déjà confié tout l’attachement qu’elle avait pour sa sœur aînée, Juliette Nothomb qui, justement, sort à son tour un livre, un « Eloge du cheval » qui tient beaucoup de place dans la vie des deux sœurs. Amélie cavalière n’écrivait-elle pas, dans Le sabotage amoureux, cru 1993, ce superbe hommage : « J’appelle cheval cet endroit unique où il est possible de perdre tout ancrage, toute pensée, toute conscience, toute idée du lendemain, pour ne plus être qu’un élan, pour n’être que ce qui déferle. » Juliette Nothomb nous parle du cheval dans la littérature, le cinéma, la peinture. Elle nous raconte Charlie, son cheval new-yorkais, l’escapade familiale sur les poneys népalais, l’histoire et les légendes de l’autre plus fidèle ami de l’homme qu’est le cheval. Un sujet inépuisable entre les deux sœurs Nothomb. Les sœurs, on y revient toujours…
Le livre des sœurs, d’Amélie Nothomb, et Eloge du cheval, de Juliette Nothomb, deux livres parus chez Albin Michel.
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