Depuis un millénaire, le Mont-Saint-Michel se dresse majestueusement au cœur de la baie normande, témoin indéfectible des siècles qui défilent. De sa fondation en 708 à son inscription à l'UNESCO en 1979, cette île-rocher est devenue symbole de résilience, d’ingéniosité et de spiritualité. Son millième anniversaire est l’occasion de retracer l’histoire de ce joyau français, à l’aube des journées du patrimoine.
"C’est le millénaire de l’abbatiale que l’on célèbre", explique Brigitte Galbrun, conservatrice des antiquités et objets d’art du département de la Manche et co-commissaire de l'exposition "La demeure de l’archange" à l'occasion de l'année anniversaire. Construite en l’honneur de l’archange Saint-Michel l’abbaye voir vite un village s’installer à ses pieds. Si l’abbatiale, “cette vénérable dame qui surplombe l’abbaye, le village et la baie”, date de 1023, la première pierre du sanctuaire est en fait posée en 708. Alors évêque d’Avranches, Saint Aubert a des apparitions trois nuits de suite d’un archange lui demandant de construire une église : ce sera le Mont-Saint-Michel.
Entre effondrements, incendies et sièges , le Mont est aussi un symbole de résilience rappelle François Saint-James, guide conférencier depuis plus 30 ans au Mont-Saint-Michel et chargé d'action culturelle à l'abbaye. Pendant la guerre de Cent Ans, alors que les Anglais occupent une grande partie du Royaume de France, "le Mont résiste pendant 30 ans". Il rentre alors dans l’histoire nationale comme un lieu de résistance. "Au siège des Anglais, on préfère celui des touristes", ironise Don Pierre Doat, recteur du Mont-Saint-Michel et prêtre de la communauté Saint-Martin. Il est l’un des rares à habiter sur le rocher, ce qu’il reconnaît être "un privilège inouï, une vraie chance".
Dès le début de son histoire, le Mont-Saint-Michel oscille entre lieu d’accueil et résistance à l’envahisseur. Pendant la Terreur, entre 1790 et 1793, il tombe aux mains des révolutionnaires et devient une prison, notamment pour les prêtres réfractaires. Victor Hugo en parle comme d’un "crapaud dans un reliquaire". Si cette période est "le côté noir du Mont", elle permet néanmoins de conserver le monument. En 1863, Napoléon III ferme la prison. Quelques années plus tard, l’évêque d'Avranches veut y relancer la vie religieuse, notamment grâce aux pèlerinages ou à l’installation de prêtres. En 1874, le Mont est classé Monument Historique et devient le théâtre de nombreux "chantiers formidables et de restaurations successives".
Une chose est sûre, pour les trois intervenants, le Mont est placé sous la surveillance de l’archange Michel, donc sous la surveillance de Dieu. "Par son soutien dans les épreuves et dans les combats spirituels, il est la main de Dieu qui nous accompagne", estime Brigitte Galbrun. Dans l’exposition, elle fait le choix de raconter l’histoire au travers des objets. "Quand aujourd’hui les visiteurs entrent, ils ont une vision romantique du Mont. Avec l’exposition, on arrive par petites touches à donner une autre vision de cette église".
Chaque année, le Mont-Saint-Michel attire près de trois millions de visiteurs, mais abrite encore une vie de prière et d'accueil des pèlerins. Depuis deux ans, la communauté Saint Martin y est installée pour "perpétuer la présence monastique" et est responsable du sanctuaire, explique Don Pierre Doat. Avec les Fraternités de Jérusalem, ils perpétuent la vie spirituelle au sein du Mont.
"Les pèlerins étaient déjà des touristes !", estime François Saint-James. Bien que venus pour prier, les premiers pèlerins ne pouvaient qu’être fascinés par ce lieu. C’est à la fin du XIXe siècle qu’a lieu "le vrai essor du tourisme", pendant la Belle Époque. Le Mont devient alors un haut lieu du patrimoine et du tourisme, avant de connaître une autre "explosion" dans les années 1960.
Même après 30 ans de visites et de déambulations dans les ruelles du Mont, François Saint-James "s’émerveille tous les matins". "C’est un privilège pour les travailleurs du Mont : on prend tous les jours une dose de beauté". Le regard des visiteurs qu’il accompagne est précieux dans la mesure où il leur permet de "redevenir chaque jour un enfant".
Si certains estiment qu’il faut agir contre le sur-tourisme, Don Pierre Doat mesure ces propos. "Certes, on sent parfois un trop plein, mais ce n’est pas tout le temps. Et le Mont reste un lieu d’accueil". Pour lui, la meilleure façon de visiter le Mont est d’arriver avant 10 heures ou après 17 heures, pour éviter les vagues de touristes. Brigitte Galbrun estime elle aussi qu’il faut mettre à profit ce tourisme et l’intérêt des visiteurs pour faire connaître l’histoire du Mont. "L’abbatiale accueille de nombreux spectacles, et le millénaire peut être l’occasion d’en accélérer le rythme", estime-t-elle.
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