Une photo pas facile à comprendre, mais facile à décrire. On pourrait presque
la couper en deux cette photo, dans le sens de la hauteur. A droite, c’est une petite
fille sage qui pose dans une jolie robe. A gauche, c’est un magma de béton et de fil
de fer, comme un plafond qui se serait écroulé. Et c’est ce contraste qui étonne et
laisse vraiment perplexe.
Cette petite fille sage, elle a l’air d’avoir une dizaine d’années, elle a une belle robe à fleurs, colorée, bien
repassée. Elle a aussi des collants et un tee-shirt noir, impeccables, un serre-tête
dans les cheveux bien peignés. Elle a des jolis pied-nus en cuir et elle nous regarde,
un subtil sourire aux lèvres. C’est vraiment un portrait de famille, comme on en a
dans nos propres albums, les enfants qui ont mis leurs habits de fêtes, pour un
mariage, une communion, un anniversaire… D’ailleurs, il y a un effort de déco :
derrière elle est tendus un tissu violet, avec des motifs fleuris, des arabesques, pour
camoufler le chambranle d’une porte. Ou en fait, on le comprend en voyant la
dévastation autour, pour faire office de porte…
LA DEVASTATION
Oui, la petite fille est au milieu des escaliers, on devine quelques marches au
premier plan. Elle est sur le palier. Mais le marbre est recouvert de plâtre, des
parpaings s’empilent à côté. Ses pieds sont plantés au milieu des gravats. A gauche,
les pierres de l’escalier sont à nu, et supporte des tonnes de plaques de plâtres, de
fils d’acier. En dessous, c’est le vide, le noir, comme si tout avait disparu.
Nous sommes en Syrie. Dans un petit village, à Neyrab, à 10 kilomètres d’Alep.
Cette petite fille pose au milieu des ruines de sa maison, nous dit la légende de
l’Agence France Presse. Elle est rentrée chez elle, elle pose chez elle, nous explique
le journaliste, car sa famille a fui le camp de réfugiés qui les accueillait, par crainte du
coronavirus.
C’est dingue, mais la pandémie fait revenir des habitants dans la région
d’Alep, où il est plus facile de respecter les règles de distanciation physique que
dans les camps où on peut trouver à manger, mais où on est les uns sur les autres.
L’agence propose d’autres scènes tout aussi quotidiennes : des pique-niques, des
retrouvailles, au milieu de champs infinis de ruine. Pourtant officiellement, le pays
respecte une trêve et le virus n’a fait là-bas que trois morts – mais c’est faux bien
sûr. Impossible de savoir quels ravages fait là-bas le covid. Et les attaques
continuent. Depuis deux mois, l’ONU a recensé une trentaine d’attentats à l’explosif.
Des combats dans la région d’Idlib ont par exemple fait une cinquantaine de morts
dimanche…
Alors comme vous le disiez, cette petite fille qui sourit dans
les gravats, ce n’est pas une photo facile à comprendre. Mais c’est aussi et surtout
parce que ce n’est pas une situation pas facile à comprendre…
DANS PHOSPHORE CETTE SEMAINE, DEUX PEPITES : LE
CONFINEMENT DES ADOS RACONTEE EN BD, C’EST DROLE ET TENDRE. ET
GAIA QUI RACONTE DE L’INTERIEUR SES ETUDES D’INFIRMIERE… DE QUOI
ECLAIRER LES ADOS QUI SE DECOUVRIRAIENT UNE VOCATION.
Photograph: Bakr Alkasem/AFP/Getty
Chaque vendredi dans la Matinale RCF, David Groison commente une photo de presse.
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