David Cronenberg est un habitué de Cannes : Prix du jury en 1996 pour « Crash » et président du jury en 1999, il est venu cette année présenter « Les crimes du futur ». A l’instar de la Française Julia Ducournau, Palme d’Or l’an passé avec « Titane » et qui reconnaît volontiers avoir puisé l’inspiration de ses films dans le cinéma de Cronenberg, « Les crimes du futur » parle de transformation des corps.
On y suit un artiste performer, Vigo Mortensen, qui avec la complicité de sa partenaire, Léa Seydoux, met en scène la métamorphose de ses organes dans des spectacles d’avant-garde. Et le réalisateur de « La Mouche » d’imaginer que demain l’être humain procréera en lui-même de nouveaux organes qui seront répertoriés dans une banque de données qui pourrait profiter à toute l’humanité.
Pour ce faire, il tatoue les nouveaux organes dans le corps de leurs porteurs et va même jusqu’à imaginer l’organisation d’un concours de beauté de l’intérieur des corps !
En sortant de la projection, on n’hésite entre folie pure et science-fiction d’un futur peut-être pas si éloigné que ça, allez savoir. Alors, on court assister à la conférence de presse du film, espérant y trouver une réponse ou une explication du maître qui poursuit ici son exploration de ses fantasmes.
« Chacun de mes films est une entité indépendante des autres, explique le cinéaste canadien. Y a-t-il des liens entre eux ? Je ne le pense pas mais peut-être qu’il y en a. Quand j’écris un scénario, j’ai oublié ce que j’avais déjà écrit avant. Je me concentre sur mon projet du moment et je prends beaucoup de soin à choisir mes acteurs ».
En l’occurrence, Léa Seydoux et Vigo Mortensen. Si l’actrice française avoue avoir vécu « un rêve de cinéma » tant elle avait envie d’entrer dans l’univers de David Cronenberg, un réalisateur qui l’a toujours attirée, l’acteur emblématique du « Seigneur des anneaux » est un habitué : « C’est la quatrième fois que je travaille avec David, je connais donc son monde depuis longtemps. C’est une forme d’esclavage (rires). J’apprécie beaucoup son humour, même si je me demande parfois si c’est vraiment de l’humour. C’est en tout cas de l’humour assez froid ! Aujourd’hui, on n’a plus guère besoin de se parler longtemps, on se comprend tout de suite ».
Au vu des thèmes traités tout au long de sa filmographie, on peut se demander si David Cronenberg craint de vieillir. Il répond à cette interrogation sans ambages… et avec humour : « Depuis que j’ai eu mon 75è anniversaire, je suis plus vieux que le Festival ! » Puis il poursuit, plus sérieusement : « Les corps sont une réalité. Nous devons accepter leur vieillissement. Si vous vous prenez en photo, dès qu’elle est prise, elle est déjà dépassée ».
Et de poursuivre sur un ton plus politique : « Ce que j’aime, c’est l’idée qu’on est propriétaire de son corps et qu’on peut en faire ce qu’on veut. S’il y a un contenu politique dans mes films, c’est celui-là : on doit avoir le droit de disposer du corps dont on est propriétaire. Dans notre monde d’aujourd’hui, on rencontre de plus en plus de gouvernants qui veulent tout contrôler : je n’aime pas cette idée ».
Et tant qu’il est à parler politique, le cinéaste canadien balance : « Au Canada, nous pensons que les Américains sont complètement cinglés » (sic).
« Les crimes du futur » est ainsi une plongée dans les pulsions et fantasmes les plus tordus de Cronenberg qui en profite pour parler de tout et de rien, de politique, de technologie, de religion, d’écologie. Bref une sorte d’auberge espagnole du futur !
Au Festival de Cannes, Pierre Germay
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