Juste avant les fêtes de fin d’année, nous avons eu l’occasion de rencontrer Didier Van Cauwelaert pour discuter avec lui de miracles. Vingt miracles ou faiseurs de miracles sont détaillés dans son nouveau livre L’insolence des miracles¸ paru chez Plon. Rencontre.
Pourquoi les miracles sont-ils insolents ?
Le miracle d'abord, c'est un défi à la raison, aux lois de la nature. Du moins à ce que nous en connaissons. Comme disait Saint Augustin: le miracle n'est pas en contradiction avec les lois de la nature, mais avec ce que nous croyons en savoir. C'est aussi pour la science, pour la médecine, une obligation de remettre en cause ses connaissances, ses a priori. et souvent, il y a une méfiance de la part des autorités religieuses par rapport au phénomène du miracle.
À Lourdes par exemple, elles demandent à la médecine de statuer en première instance. Le comité médical international de Lourdes a authentifié plus de 7200 cas de guérison inexpliquée instantanée. L'Église n'en a retenu que 70 pour en faire des miracles officiels. C’est dire la prudence face au miracle. Il y a aussi les critères que rajoute l'Église sur la nature du miraculé : il faut qu'il ait prouvé l'héroïcité de sa vertu. C’est le fait que la guérison ait encore amplifiée, sa spiritualité, donc que ce soit bien le doigt de Dieu qui soit à l'œuvre et non pas un phénomène d’autoguérison paranormal. Et puis il ne faut pas que le miraculé soit divorcé. Il y a eu des guérisons spectaculaires rejetées pour ce motif-là.
Il y a une insolence dans la manière dont ça se passe. Très souvent, il y a un humour très fort. Je pense à Émile Zola, qui, en visitant Lourdes, a été profondément choqué par ce qu'il estime être une exploitation mercantile de la souffrance humaine par « des prêtres intéressés et des médecins complices ». Il décide d'écrire un roman qui va dévoiler tout ça, qui va massacrer Lourdes et ces prétendus miracles. Il prend donc le train des pèlerins et il y choisit ses deux héroïnes pour son livre : Marie Lenormand et Marie Lebranchu. Toutes les deux sont tuberculeuses et mourantes. Arrivés à Lourdes, les malades sont emmenés aux piscines et Zola va au Bureau médical travailler sur les dossiers des guérisons qu'il annote de manière critique.
Au bout d'un moment, Marie Lebranchu rentre et elle est guérie. Zola a alors cette attitude extraordinaire, il reconnaît par écrit dans le registre du Bureau médical ce qu'il est en train de voir. Marie Lenormand entre elle aussi guérie. Zola semble la victime d'un double miracle.
Une question qu'on ne peut pas ne pas se poser c’est : est-ce que Zola a été la victime de ce miracle qu'il voulait dénoncer ou est ce qu'il en a été le coauteur ? Ce qui me passionne dans l'étude des miracles, l'étude scientifique médicale des miracles, c'est ce qu'ils nous disent, ce qu'ils nous suggèrent. Et la manière dont nous pouvons nous tous, à notre niveau, à notre petite échelle, participer à ce mouvement miraculeux dont on a tellement d'indices très forts, voire de preuves irréfutables.
Comment avez-vous choisi, les miracles, les mystiques, les faiseurs de miracles dont vous vouliez parler ?
C'est un choix tout à fait arbitraire en fonction de l'insolence qu'il y a dans chacun de ces phénomènes de l'humour. Plus c’est insolent, plus ça me correspond et plus j'ai envie de transmettre ça. Il y a un plaisir jubilatoire à lire ces histoires qui sont vraies. Je suis un raconteur d'histoire. Généralement, ce sont des romans que j'invente. Mais lorsque la réalité me raconte des histoires aussi extraordinaires, voire plus extraordinaires que celles que je pourrais imaginer, je ne vais pas me priver de les transmettre.
Et puis cette insolence qui est dans l'attitude des personnes par qui transitent les miracles... Je peux parler de Padre Pio, son humour brutal à l'emporte-pièce, la manière dont il traite les gens qu'il a miraculés, etc. Il refuse justement le culte de la personnalité, l'idolâtrie que le Vatican lui reprochait.
La personne qui, pendant plus de 30 ans, a démoli le miracle au sein du Vatican et démolit les miraculés, c'est le Père Agostino Gemelli, président de l'académie de Pontificale des sciences pendant plus de 30 ans et qui était. Au départ, un socialiste athée qui s'était converti, mais pas converti à tout. Et pour qui il était très important que l'Église fasse passer un message de modernité sociale.
Les autorités religieuses agissent contre ceux qui font des miracles au lieu d'essayer de comprendre les miracles et leur sens, c'est incompréhensible. Quand Jésus dit dans les Évangiles, en répondant à ses apôtres qui lui demandent « Comment fais-tu tous ces miracles ? » Et il répond que « celui qui croit en moi fera les choses que je fais, il en ferait même de plus grandes », ce qui est une claire incitation à suivre la voie qu’il a ouverte. Quels que soient nos moyens et à nous intéresser à ceux qui continuent de produire ces phénomènes miraculeux. C'est un peu aussi la raison pour laquelle j'ai écrit ce livre : partager avec tout le monde ces faits qui ont été très souvent cachés.
Le Père Gemelli est un peu un fil rouge entre les différents mystiques dont vous parlez. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet homme qui lutte farouchement contre les miracles ?
Il demandera pardon, notamment à Padre Pio, juste avant de mourir. Il ne s'est pas converti, mais il est finalement touché par la grâce. Il faut dire qu'il lui est arrivé la chose la plus insolente qui puisse arriver à un sceptique: c'était le premier vivant à se faire insulter par un mort sur une bande son.
Il est neuropsychologue et en 1952, au Vatican, il travaille avec son ami, le père Ernetti, qui est un physicien musicologue. Ils travaillent sur leur passion commune qui est le chant grégorien. Ils sont en train d'enregistrer, de réenregistrer des chants grégoriens enlever les harmoniques qui polluent la pureté des chants grégoriens et travaillent sur un vieux magnétophone qui se casse tout le temps. Il faut réparer la bande et depuis la mort de son Père, Agostino Gemelli l'interpelle tout le temps et il dit : aide-moi, ce n’est pas possible, on n’arrive pas à avancer tu pourrais m'aider. Ils écoutent l'enregistrement et puis là par-dessus le grégorien, il entend la voix de son père défunt qui lui dit : mais bien sûr que je suis là et que je t'aide zuccone (ce qui signifie imbécile en italien).
Ils se précipitent tous les deux chez le pape Pie XII. Qui écoute la bande. Et qui entend la voix et qui les rassure en affirmant que ce n’est pas du spiritisme, ce qui est interdit. C'est un phénomène scientifique qui est apparu de manière objective sur un appareil. Mais voilà encore, cette insolence du phénomène qui vient interpeller ce rationaliste invétéré. Ce qui ne l’empêchera pas, de continuer à pourfendre ce qu'il estime être irrationnelle et la fausseté des miracles.
A plusieurs reprises dans votre livre vous parlez de bilocation, quel est ce phénomène ?
C'est un synonyme d'ubiquité qui est plus employé. La bilocation, c’est se trouver dans deux endroits en même temps. Parfois, on a de la trilocation, c'est ce qui est arrivé notamment à Yvonne-Aimée de de Malestroit.
Parmi tous ces miracles, avez-vous un petit préféré ?
Le dernier, Carlo Acutis, parce que on a tendance à croire a priori que les miracles, c’est l'histoire ancienne. Les appareils médicaux, l’imagerie médicale et ses appareils de contrôle permettent aujourd'hui d'être sûr d'une pathologie incurable, mortelle et de sa disparition.
Dernier miracle en date, en 2013, le petit Mathéo, un enfant brésilien (6 ans à l'époque), qui est né avec le pancréas totalement inopérant. Il ne peut rien manger, il est nourri par sonde, il ne peut avaler que des bouilles protéinées. Il s'est fait un copain sur les réseaux sociaux : Carlo Acutis, qui est mort à 15 ans mais qui est une telle vedette sur les réseaux sociaux qu'il en a fait son ami imaginaire. Et le petit Mathéo dit à son copain Carlo : écoute, moi je n'en peux plus de vivre comme ça, je voudrais manger des biftecks-frites comme mes frères, aide-moi Carlo.
Le lendemain, il est à table, il prend l'assiette de ses frères et il dévore le bifteck et les frites. Sa mère, affolée, appelle le médecin. On l'emmène d'urgence à l'hôpital et là on découvre que son pancréas est normal. Alors qu'il est né avec un organe absolument pas fiable. Et il est totalement régénéré, il est comme neuf donc on a un miracle prouvé médicalement qui servira de miracle pour la béatification de Carlo Acutis par le pape François en octobre 2020.
Est-ce que vous pensez que tout le monde peut faire des miracles ou être témoin de miracle ?
Oui. Quel que soit le degré, l'échelle, on peut faire des miracles. L'amour fait des miracles, la bienveillance fait des miracles.
Il y a de nombreuses études menées par différents hôpitaux dans le monde sur l'action des groupes de prière à distance. Ce qui me fascine dans ces enquêtes c’est qu’on arrive toujours à 70% d'amélioration de l'état de santé des personnes sur qui on travaillent à distance. Ces groupes, on leur donne généralement des numéros de lits sur lesquels se concentrer. On a le groupe A qui est un groupe de croyants qui prient pour ces numéros et on a un groupe B qui est un groupe de d'agnostiques, d’athées qui envoient ce qu'on appelle des bonnes ondes des pensées bienveillantes, en espérant que la personne se rétablira.
Et ces deux groupes arrivent à un résultat similaire. C'est très important parce que faire des miracles, y contribuer, ce n’est pas réservé aux croyants. Beaucoup d'incroyants sont guéris de manière miraculeuse aussi et les incroyants peuvent aussi faire ce genre de de prodige. Que ce soit des ressources méconnues de notre esprit, ou que ce soit des connexions avec les forces supérieures, avec les forces divines qui amènent à ces résultats, j'ai envie de vous dire, dans le doute, essayons.
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