Il a vécu sur le continent eurasiatique durant 200 à 300 millénaires, et s'est éteint sans que l'on sache pourquoi. L'Homme de Néandertal n'est pas notre ancêtre : pour le chercheur Ludovic Slimak, c'est "une créature", humaine mais mystérieuse. Elle interroge notre humanité et notre capacité à concevoir l'altérité.
Au sujet de Néandertal, il y a deux visions : la vision anglo-saxonne, qui le considère comme un homme sauvage, et la vision latine "où on en fait un autre nous-même". Ludovic Slimak chercheur au CNRS, travaille depuis plus de 30 ans sur Néandertal, 30 ans à "traquer la créature". Il publie "Néandertal nu - Comprendre la créature humaine" (éd. Odile Jacob).
Néandertal, une "créature" ? Le terme est "fondamental" pour le chercheur car selon lui, "il faut nous distancier de cette humanité". Pour lui, l’Homme de Néandertal tel qu’on le perçoit aujourd’hui, c’est "une créature au sens de la créature de Frankenstein, faite avec des bouts de corps". "On a créé quelque chose qui est une projection de nos imaginaires." Imaginaires et fantasmes dont il faut nous libérer aujourd'hui.
Néandertal n’est pas notre ancêtre, c’est une forme humaine pleinement différente
"Il n’est pas notre ancêtre, nous dit Ludovic Slimak, c’est une forme humaine pleinement différente, et qui s’éteint au moment, à peu près synchrone, où arrivent en Europe les populations qui elles sont nos ancêtres, les premiers Sapiens." Il s’est éteint il y a une quarantaine de millénaires sans que l’on sache pourquoi. Il a vécu sur le continent eurasiatique durant 200 à 300 millénaires.
Néandertal et Sapiens se sont-ils rencontrés ? "C’est très dur à définir" pour le chercheur. Si la population actuelle a 2% d’ADN néandertalien, chez les derniers néandertaliens on ne trouve pas d’ADN sapiens. "Ils se sont croisés mais il n’y a que quelques sites, voire peut-être même un seul site en Europe, où l’on pourrait documenter de manière précise le moment de la rencontre et ce site-là c’est celui de la grotte Mandrin, dans la moyenne vallée du Rhône."
Comment faut-il donc percevoir Néandertal ? Comme une autre humanité, répond le chercheur. Comme quelque chose "qui serait humain, conscient de soi, subtil, intelligent, qui sous certains aspects peut-être nous dépasserait et qui ne serait absolument pas nous en terme d’humanité".
Quand on sait nos difficultés à admettre les différences culturelles, penser une autre humanité relève presque de l’impossible : c’est "un véritable défi parce que comme il n’y a qu’une humanité sur terre, on est dans l’incapacité de se projeter dans quelque chose qui serait fondamentalement différent". Et si c'était la définition même de l’humanité qui devait être repensée ?
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