Comment Ivan et Mikhaïl Morozov sont-ils devenus des collectionneurs aussi importants ? Les frères Morozov sont à l'honneur à la Fondation Louis-Vuitton, qui expose plus de 200 œuvres de leur collection, l'une des plus importantes au monde pour la période impressionniste et l'art moderne. Leur histoire est une véritable saga. Pour nous la raconter, Thierry Lyonnet reçoit l'écrivain russe Vladimir Fédorovski, auteur de "Amour et inspiration" (éd. Balland).
Sergueï Chtchoukine, Ivan et Mikhaïl Morozov : ils sont les trois grands collectionneurs russes qui ont participé à la révolution artistique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. La fondation Louis-Vuitton avait déjà exposé les œuvres de Sergueï Chtchoukine en 2017. Elle présente jusqu’en février 2022 quelques chefs d’œuvres de la collection Morozov.
Pour comprendre l’incroyable destin de ces collectionneurs, il faut aller aux racines de ces deux familles, raconte l'écrivain russe Vladimir Fédorovski. Connu pour ses analyses géopolitiques sur la Russie et ses romans, il est aussi un fin connaisseur d’art, qui a été attaché culturel à Paris. Dans son livre "Amour et inspiration - Muses, collectionneurs et artistes" (éd. Balland), il consacre plusieurs chapitres aux véritables sagas que sont l’histoire des familles Chtchoukine et Morozov.
L’arrière-grand-père des frères Morozov, Savva Vassilievitch Morozov, était né serf. Il a acheté sa liberté en 1821, après avoir s’être lancé dans le commerce du tissu. En trois générations, la famille Morozov est devenue richissime. Une incroyable ascension pour une famille de vieux-croyants, cette branche du christianisme particulièrement traditionnaliste, qui se réfère à l’Ancien Testament, mais qui accorde une grande importance au travail.
"Ils ont apporté la France à la Russie, et la Russie à la France", s’enthousiasme Vladimir Fédorovski. Si l’exposition de la fondation Vuitton rassemble tant d’œuvres de tant de grands noms - Manet, Rodin, Monet, Lautrec, Renoir, Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Matisse, Picasso… - c’est que les frères Morozov ont su reconnaître ces artistes avant tout le monde.
L’aîné, Mikhaïl Morozov (1870-1903) était "un original, une force de la nature". C’est lui qui a commencé la collection mais il est mort très jeune. Son petit frère Ivan Morozov (1871-1921) a poursuivi son œuvre, il agissait en quelque sort "en directeur de musée", raconte Vladimir Fédorovski, "il se renseignait, était conseillé". Contrairement à un Chtchoukine qui agissait de manière plus impulsive.
Et à la différence de son rival, Morozov était ouvert à l’avant-garde russe : il a fait connaître en France notamment des peintres russes que l’on connaît peu, comme Répine ou Larionov. La collection Morozov a failli disparaître avec la révolution bolchevique. Elle est aujourd’hui conservée essentiellement au musée des beaux-arts de Moscou et au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg.
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