« L’or des rivières » de Françoise Chandernagor, paru aux éditions Gallimard. Un livre nourri de souvenirs et d’anecdotes, qui remonte à l'enfance dans une certaine nostalgie et qui évoque la reconnaissance de tout ce que l’auteur doit à ses racines familiales.
« C’est aussi cela, choisir la Creuse. C’est choisir la lenteur, le silence, la profondeur, peut-être la sérénité, sûrement pas la facilité. » Françoise Chandernagor, grande dame de la littérature, haut fonctionnaire émérite, membre de l’Académie Goncourt, revient dans un récit émouvant sur son enfance et sa terre d’origine, la Creuse. De ce pays, elle vante l’identité et ne cache pas les fragilités : « Les seuls fruits qui vous seront donnés sont les fruits secs dont vous étiez écœurés, les glands, les noix, les châtaignes, et pour charmer le palais de vos enfants, vous n’aurez que les mûres des ronciers. » Guide botanique, c’est aussi un livre d’histoire quand l’auteure raconte les ouvriers maçons venus de Creuse qui ont bâti le Paris du XIXe siècle. C’est encore un livre de géographie lorsqu’elle dessine le tracé des deux Creuse, sous-affluent de la Loire. « En célébrant se pays impénétrable et ignoré, je prends le risque de l’exposer quand, en vérité, je voudrais le garder secret », confesse celle qui garde la nostalgie de l’enfance et cultive l’émerveillement d’aujourd’hui.
Et la page blanche est une terre à travailler. Si elle manie aujourd’hui les lettres, Françoise Chandernagor n’oublie pas ses racines : « J’appartiens à la race des maçons-laboureurs : il me faut, comme à eux, de la terre et des pierres. Et construire, planter, restaurer, défricher, agrandir et travailler, travailler… » Son horizon creusois l’est-il pas d’ailleurs le cadre idéal d’un travail d’écriture ? « Pour écrire, il me faut la protection d’une beauté familière et d’un lieu complice, un lieu clos où nul ne m’aperçoive et où rien ne se passe. J’ai besoin que la Creuse m’enveloppe, m’enserre, me calfeutre, étouffe la rumeur des ondes et fasse écran à la lumière des flashes. » Et chaque jour, l’étonnement se renouvelle : « Chaque matin, quand je pousse les volets, la beauté me saute à la figure. » Une beauté rude. Terre de secrets et de replis, la Creuse cultive ce côté abrupt qui la protège, cette nature qui perdure et que l’auteure veut transmettre : « J’ai appris à nos dix-huit petits-enfants à caresser l’écorce des arbres – la peau rugueuse du chêne, celle, friable, du bouleau, ou, plus douce et lisse, celle du hêtre. » Ces arbres, elle les défend et s’inquiète, devant les fortes chaleurs et la sécheresse des dernières années. « Amoureuse du passé, comment ne défendrais-je pas la biodiversité ? », se souvient l’enfant qui pêchait les écrevisses dans les ruisseaux.
Souvenirs d’enfance, mieux encore, paysages d’antan, qui restent vifs dans la mémoire : « En Creuse, j’ai douze ans. Eternellement. » Elle nous fait visiter son pays, ajoute des anecdotes familiales invérifiables, qui disent la vie telle qu’on la raconte, car « les légendes sont des mensonges qui disent quelques fois la vérité. » Bien sûr, il y a la vie à Paris, « le béton, la foule, les grèves, les intrigues, les dîners er ce rythme précipité, haché, de l’homme des villes. » Ceux qui ont la chance d’avoir un bout de terre, des racines plantées quelque part, n’oublient pas leur chance : « La beauté, non seulement rend heureux mais rend bon : le cœur se remplit, se dilate, déborde, on éprouve le besoin de partager. Pour que ce cœur n’éclate pas, il faut l’ouvrir aux autres. Cette forme de générosité était familière aux Creusois d’autrefois, qui par ailleurs avaient si peu à donner ! » Et pourtant, la Creuse, quel trésor !
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