En cette Semaine sainte, voici un artiste dont l’œuvre nous conduit vers la contemplation et l’intériorité. Il s’agit de Mark Rothko, un des plus grands peintres américains de l’après-guerre. Il est né en Lettonie en 1903 dans une famille juive qui a émigré aux États-Unis dix ans plus tard.
Après s’être installé à New York, il a commencé à peindre dans les années 1930. Rothko a d’abord été figuratif, il s’est intéressé au surréalisme avant de se diriger progressivement vers l’abstraction. Sa période la plus connue est celle des années 1950, marquée par des couleurs chaudes. Les toiles seront ensuite de plus en plus dépouillées, et sombres jusqu’à la mort de Mark Rothko en 1970.
Sur les tableaux de Mark Rothko, on ne voit rien sinon de grands rectangles de couleur sur des toiles de format vertical pour la plupart. La touche est veloutée, immatérielle ce qui donne le sentiment d’être face à des nuées éclairées par une lumière diffuse. On peut rester longtemps devant ces tableaux pour déceler des nuances de couleur sur les bords des rectangles. Mais surtout pour se laisser gagner par un silence intérieur qui révèle la spiritualité habitant ces tableaux.
Mark Rothko avait pris ses distances avec le judaïsme de son enfance. Mais il est permis de penser que sa peinture était profondément marquée par l’interdit biblique de la représentation de Dieu. C’est ce qui a amené le grand historien d’art Dominique Ponnau à écrire ceci : "Pour moi Mark Rothko n’est pas un peintre abstrait mais le peintre du voile du Temple tendu au seuil du Saint des Saints (…), voile qui ne cache rien mais est lui-même une icône incroyablement condensée de toutes les lumières possibles, du feu, du soleil divin."
Un autre écrivain, Édouard Dor, dans un livre sur Rothko cite à son propos un verset du psaume 104 : "Il déploya une nuée comme un rideau et un feu pour illuminer la nuit."
J’aimerais pouvoir nous transporter tous à Houston aux États-Unis où se trouve la chapelle Rothko, un lieu de recueillement interconfessionnel pour lequel, à la fin de sa vie, il a peint 14 grands panneaux. On doit cette chapelle à un couple de mécènes d’origine française, Dominique et Jean de Ménil.
J’aimerais pouvoir vous dire qu’il y a beaucoup d’oeuvres de Rothko dans les musées français. Malheureusement ce n’est pas le cas. Sinon deux tableaux au Centre Pompidou. Il faut donc saisir l’occasion qu’offre une exposition inaugurée il y a quelques semaines au Musée des impressionnistes à Giverny, près de Vernon dans l’Eure, exposition qui confronte des tableaux de Claude Monet et des tableaux de Rothko, Rothko qui avait une grande admiration pour le maître de l’impressionnisme. Il n’y a que 12 toiles dans cette exposition, six de chacun des deux peintres. Ce n’est pas beaucoup mais, justement, cela permet de prendre le temps du recueillement face à de très beaux tableaux.
Musée des impressionnistes, Giverny, jusqu’au 3 juillet.
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