Partager

Michel Hazanavicius au 39e Festival de Namur : « Je préfère un bon film au succès moyen à un film banal qui cartonne »

Un article rédigé par Pierre Germay - RCF Liège, le 1 octobre 2024 - Modifié le 1 octobre 2024

Connu du grand public pour sa réalisation de deux parodies du film d’espionnage, « OSS 117 : Le Caire, nid d’espions », en 2009, et « OSS 117 : Rio ne répond plus », en 2021, avec Jean Dujardin en James Bond parodique, Michel Hazanavicius est aussi ce cinéaste français récompensé aux César et aux Oscar avec un film muet, en noir et blanc, « The Artist », à nouveau avec son acteur fétiche, Jean Dujardin, prix d’interprétation à Cannes, en 2011.

Michel Hazanavicius © Pierre GermayMichel Hazanavicius © Pierre Germay

 

En mai dernier, Michel Hazanavicius refermait le Festival de Cannes avec un étonnant film d’animation, « La plus précieuse des marchandises ». Cette coproduction franco-belge, adaptée du conte écrit et publié en 2019 par Jean-Claude Grumberg (Ed. du Seuil), est une parabole poétique ayant pour cadre la Shoah : durant la seconde guerre mondiale, l’épouse d’un bucheron polonais vivant misérablement dans une forêt bordant une voie ferrée, recueille un enfant balancé depuis un train de déportés par ses parents désespérés.

 

Très décontracté et volontiers dans l’autodérision, le cinéaste français a séduit les spectateurs présents pendant une petite heure. Morceaux choisis.

 

 

« La plus précieuse des marchandises »

 

 

J’ai d’abord été subjugué par le conte écrit et publié par Jean-Claude Grumberg. C’est un conte avec tout ce que ça peut avoir de suggestif, où le meilleur de l’homme côtoie le pire de l’homme. Si j’ai choisi la forme de l’animation pour l’adapter, c’est que le dessin permet de suggérer les choses et de laisser ensuite au spectateur le soin de faire le reste du chemin.

 

 

Au cinéma, on peut avoir un même décor pour y tourner des dizaines de scènes. Tandis que dans un film d’animation, il y a autant de décors à dessiner que de scènes. J’ai pris pour références graphiques à la fois la peinture russe du 19ᵉ siècle et les estampes japonaises aux traits des personnages plus épais et très proches du conte, m’a-t-il semblé.

 

 

« Coupez ! »

 

 

J’avais commencé le travail de mon film d’animation quand le covid est survenu. La production m’a alors demandé d’arrêter pendant six à huit mois. C’est durant ce laps de temps que j’ai eu l’opportunité de tourner « Coupez ! » avec un producteur qui avait l’argent nécessaire ! Ce n’était donc pas voulu de passer ainsi d’un registre cinématographique à un autre très différent, c’est un hasard. Mais c’est vrai que je suis quelqu’un de très curieux et que j’aime varier. Ça m’enrichit. Ainsi, un drame peut m’enrichir pour tourner ensuite une comédie.

 

 

« OSS 117 »

 

 

« OSS 117 », c’est une suite de clichés en référence au cinéma américain. Mais à mes yeux, c’est la forme qui est importante.

 

 

« Le redoutable »

 

Il s’agit de l’adaptation d’un livre, « Un an après » d’Anne Wiazemsky, un récit biographique consacré à Jean-Luc Godard et inspiré de son film « Le mépris ». Mais si j’ai découvert ce livre, c’est un pur hasard : un jour, je me suis retrouvé à la gare à Bruxelles, en attenant un train. Comme j’avais oublié de prendre dans mes bagages le livre que je lisais à ce moment-là, j’ai trouvé ce livre sur Godard à la librairie de la gare. Et je l’ai dévoré pendant mon voyage !

 

Ma femme m’a dit que c’était de la folie de vouloir adapter ça au cinéma. Mais je l’ai fait, car j’ai aimé chez Godard son côté autodestructeur qu’on ne retrouve pas, par exemple, chez un Truffaut, que j’ai aussi beaucoup aimé, évidemment.

 

 

Le succès d’un film

 

 

Je préfère tourner un bon film, même s’il ne connaît qu’un succès moyen, plutôt qu’un film banal qui cartonne au box-office.

 

 

Le casting, les dialogues

 

 

Le choix du casting, c’est une grande partie du travail. Si vous avez un mauvais casting, ça va vous compliquer la tâche. Si je prends Jean Dujardin, c’est plus pour sa plastique qui va crever l’écran. Alors que si je prends Romain Duris, c’est plus pour l’humanité qu’il dégage.

 

Et puis les dialogues sont importants. La langue française est belle et peut être modulée à volonté. Les dialogues, j’ai besoin de les entendre. Les intonations peuvent être différentes et donner un sens tout différent aux mots. Alors oui, je peux être très pointilleux sur ce plan-là !

 

La comédie a ses règles spécifiques, les dialogues doivent y être plus écrits car ils doivent claquer, ce sont des phrases qu’on peut ramener à la maison ! Dans les années 60, Audiard écrivait ses dialogues sur mesure pour Gabin. Moi, quand j’écris pour Jean (Dujardin), je le connais très bien, je sais l’intonation qu’il va pouvoir y apporter.

 

 

Trintignant

 

 

L’un des deux narrateurs (avec l’actrice Dominique Blanc) est Jean-Louis Trintignant. Il a enregistré son texte avant sa mort. Sa voix est très belle, c’est une des plus belles voix du cinéma. Et, comme entre-temps, il est parti, ça prend encore plus de couleur et c’est évidemment chargé de beaucoup d’émotion.

 

 

Méthode de travail

 

 

Je m’efforce de travailler dans mon bureau tous les jours de 9 à 19 heures. Je commence par noter toutes les idées qui me passent par la tête même si je ne connais pas encore précisément le sujet du film ! Dans cette pièce, j’ai un mur de trois mètres de long : une fois qu’il est rempli, il n’y a plus qu’à écrire le film !

Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

Pour aller plus loin

Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don