Cette semaine, une couleur : le noir. A l’honneur le polar, le thriller et des ambiances de film noir.
La cour des mirages de Benjamin Dierstein chez Les Arènes
Juin 2012. Triomphe politique pour la gauche et gueule de bois pour la droite. Les têtes tombent. Les purges anti-sarkozystes au sein du ministère de l’Intérieur commencent. La commandante Laurence Verhaeghen quitte la DCRI et rallie la Brigade criminelle de Paris. Elle est rapidement rejointe par son ancien collègue Gabriel Prigent, hanté par la disparition de sa fille six ans plus tôt.
Pour leur retour au 36, les deux flics écopent d’une scène de crime sauvage : un ancien cadre politique a tué sa femme et son fils avant de se suicider. L’enquête débouche sur la découverte de réseaux puissants, à mi-chemin entre l’organisation pédocriminelle, la prostitution de luxe et l’évasion fiscale. Désabusés par leurs erreurs et leurs doutes, tourmentés par leurs obsessions, Verhaeghen et Prigent vont partir pour un voyage sans retour vers la barbarie moderne.
Avec ce dernier volume de sa trilogie, le breton Benjamin Dierstein nous offre une conclusion à la hauteur de nos attentes. Attention toutefois, encore plus que la Sirène qui fume, âmes sensibles, abstenez-vous car une grande partie de l’enquête se fera autour des réseaux pédophiles. La lecture peut donc s’avérer extrêmement éprouvante tant les faits dépeints par l’auteur sont aussi réalistes que dramatiques et dérangeants [...] Malgré tout, si vous ne craignez pas d’entrer dans les affres de la criminalité et de la violence la plus sombre et la plus abjecte, nous vous conseillons donc de vous aventurer dans le dernier polar d’un auteur que nous avons découvert l’an passé et dont les différents ouvrages nous ont tout simplement estomaqués.
Pigalle, 1950 de Christin et Arroyo chez Dupuis, Collection Aire Libre
Antoine, dit « Toinou », décide de plaquer son Aubrac rural pour le Paris rutilant des années 1950. À 18 ans, il découvre avec stupéfaction les charmes de Pigalle, en particulier ceux des danseuses du cabaret « La Lune Bleue », dans lequel il va travailler. Pris sous l'aile du patron, « le Beau Beb », il va ainsi faire la rencontre de personnages hauts en couleur tels que « Pare-brise », le comptable, « Poing-barre », le videur, ou encore Mireille, la vendeuse de cigarettes... Mais à trop fréquenter le monde de la nuit, le naïf jeune homme va vite se retrouver plongé dans de sombres histoires de grand banditisme, dont la violence va profondément changer son existence... Toinou brûlera-t-il son innocence à la lumière enivrante de sa nouvelle vie ?
Cette bande dessinée n’est pas vraiment un polar avec une intrigue palpitante, mais plutôt un bout de vie de la jeunesse d’Antoine dans une ambiance de films noirs. Bien sûr, il y a des gangsters, les corses, et des règlements de comptes. Des coups de feu et des poursuites en voitures, il y en a aussi, il y a même les américains et les services secrets mais ces éléments ne sont pas les moteurs, ni l’essence de l’action de cet ouvrage sur lequel plane une belle atmosphère mélancolique. On suit avec plaisir Antoine dans ses souvenirs, d’autant plus que la balade est belle. Jean-Michel Arroyo, aux pinceaux, propose dans un lavis sepia, son graphisme réaliste de grande qualité. Rues de Paris enfumées, vieilles Berlines, jolies filles, contre jours et balades en funiculaires finissent par nous enchanter.
Erreur système de Mangin et Jenolab chez Casterman
Dans un futur proche, la France est devenue pionnière en matière de nouvelles technologies. Chaque individu porte un implant pour se connecter à Internet. Toutes les données personnelles sont conservées dans une Crypte et consultables seulement par la justice et la police, dans le but d’éradiquer toute criminalité. Ce système semble bien fonctionner, mais en pleine campagne présidentielle, Paris connaît une vague d’attentats très meurtriers. D’où vient la faille ? L’inspectrice Anastasia Ovard va mener l’enquête !
Nous sommes déjà presque toutes et tous fichés de nos jours : consommateurs de smartphones et d’internet, nos achats, nos clics offrent une montagne de renseignements à des sociétés privées. La scénariste Valérie Mangin pousse simplement le curseur un peu plus loin, en imaginant la société de demain, passée au tout connecté avec ces implants où toutes nos données seront enregistrées. Une histoire qui peut faire froid dans le dos, en imaginant la possibilité du tout connecté qu’évoque la scénariste sans oublier le développement de l'intelligence artificielle. Un récit maîtrisé de bout en bout, même si quelques éléments d’intrigues peuvent être rapidement devinés pour les plus fins limiers d’entre vous. Pour accompagner ce récit, Jenolab, pour qui il s’agit de sa première BD, fournit un très bon travail graphique. Un trait semi-réaliste que l’on pourrait rapprocher de celui de Timothé Le Boucher, l’auteur de Ces jours qui disparaissent, Le Patient ou récemment 47 cordes. Un trait que l’on devine numérique et qui donne un côté dessin animé pas désagréable. Il donne corps de belle manière à ce thriller d’anticipation qui est une agréable surprise.
The Last Detective d'Alvarez et Borges chez Drakoo
Dans un futur proche, une nouvelle drogue de synthèse fait des ravages dans l’état de New Amazonia. Elle vous promet tout ce dont vous pouvez rêver, beauté, pouvoir, succès... mais 5 jours plus tard, vous mourrez dans d’atroces souffrances.
La commissaire à la tête des forces de l’ordre, humaines et robotiques, fait le lien avec une série de meurtres ayant eu lieu 20 ans plus tôt et qui a coûté la vie à sa sœur…
Elle n’a d’autre choix que de faire appel à Joe Santos, une légende, et l’ancien équipier de sa sœur, qui s’est exilé dans la jungle depuis. Accompagné d’un androïde palliant ses faiblesses physiques, il va replonger au cœur de l’enquête qui a brisé sa vie…
The Last Detective nous vient d’un duo formé par les chiliens Claudio Alvarez et Geraldo Borges, au scénario et au dessin de ce polar cyberpunk. Une histoire complète en 2 chapitres sur près de 80 pages. Un thriller futuriste qui met l'action à l’honneur, mais qui n’oublie pas ses personnages, ni de développer son univers original. Ainsi entre les 2 chapitres, de fausses coupures de presse permettent d’enrichir l’univers créé. Le duo Santos et C-Cilia, le robot qui l’accompagne, fonctionne parfaitement, porté par des dialogues attendus d’un buddy movie, dialogues attendus mais réussis, le scénario n'en est que plus entraînant et l'enquête plutôt prenante. Mais après une première partie de haute volée, la suite se révèle trop rapide et l’on s'interroge sur la finalité de l’antagoniste. Heureusement, les dessins et couleurs dans un style comics de qualité assurent le show jusqu’au bout. Dans un style d’encrage un peu gras faisant la part belle aux atmosphères sombres, quelque peu à la Sean Phillips. The Last Detective est un polar futuriste honnête et suffisamment réussi pour vous en conseiller la lecture.
Jeanne et Alexis vous donnent rendez-vous pour leurs coups de cœur du moment : romans noirs, littérature jeunesse, bandes dessinées...
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