"Nous attendons trop sans savoir que nous sommes attendus nous-mêmes dans l'existence à ce point sombre d'où quelque chose peut recommencer." L'espérance, la mal-aimée de notre époque, qui ne jure que par le calcul prévisionnel. Dans "La où le cœur attend" (éd. P.O.L) l’écrivain Frédéric Boyer tente de traduire ce qu'est l'espérance. Il raconte sa traversée de l'en-bas, expérience d'anéantissement, d'où, paradoxalement, il découvre ce qu'espérer veut dire.
L'espérance : il est parfois indélicat, voire odieux, que ce mot soit prononcé devant celui qui souffre. Et pourtant, en s'appuyant sur son vécu et sur sa connaissance précise de la Bible (dont il a été le traducteur), Frédéric Boyer nous montre que c'est de cette expérience d'anéantissement que naît l'espérance. Dans "Là où le cœur attend", l'écrivain ne cherche pas tant à raconter sa traversée du désert qu'à nous livrer cette idée forte, fondatrice. Pour espérer il faut avoir traversé l'épreuve. Et pour pouvoir l'affirmer sans doute faut-il l'avoir expérimenté.
"Dans la Bible, explique-t-il, l'espérance naît à chaque fois que le sujet est au plus bas." On trouvera les plus beaux textes d'espérance de la Bible dans le Livre de Job et les Psaumes. Des textes superbes, où le psalmiste laisse entendre "une plainte jusqu'au plus noir et à ce moment on traverse quelque chose". "C'est cette cicatrice" dans les psaumes qui intéresse le fin connaisseur de la Bible qu'est Frédéric Boyer. "L'espérance naît dans la parole de celui qui est le plus déshérité, le plus dépossédé, le plus meurtri."
La philologie, ou l'étude des mots et des langues, nous montre comment "espoir et espérance jouent sur une tension". Que ce soit en latin, en hébreu, en espagnol ou en français, il s'agit dans un premier cas de se projetter dans le temps, de prévoir et de désirer quelque chose pour un avenir proche ou lointain. Avec l'espérance c'est autre chose qui se joue, d'un autre ordre. Saint Paul montre qu'il ne peut y avoir de foi que la foi qui espère. La spiritualité chrétienne nous enseigne que l'espérance est "un invisible" qui n'existe pas mais "qui travaille le temps".
Or le temps, tel que nous le percevons ne peut être qu'un éternel recommencement. Nul ne peut assister jamais à son propre commencement. "Il n'y a d'existence finalement digne et valable que celle qui va effectivemment s'attacher à ces multiples recommencements qui construisent et qui tissent la vie." À chaque recommencement, choisir la vie : essayer d'y adhérer. Et même, "essayer de devenir le personnage de sa propre existence". L'écrivain nous parle de cette "joie du recommencement" où l'on se remet à voir les détails du monde".
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