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Que nous apprend le fichier "interdit" des 96.492 collabos?

RCF, le 27 juillet 2023 - Modifié le 27 juillet 2023

Depuis 2015 un fichier contenant les noms de 96.492 Français ayant collaboré avec les Allemands est accessible. Mais la France est-elle capable de regarder cette histoire en face ?

Wikimédia Commons - L'entrevue de Montoire entre le maréchal Pétain et Adolf Hitler, le 24 octobre 1940Wikimédia Commons - L'entrevue de Montoire entre le maréchal Pétain et Adolf Hitler, le 24 octobre 1940

C'est un fichier resté inaccessible jusqu'en 2015. Y figurent les nom des 96.492 personnes ayant collaboré avec l'occupant allemand. Dominique Lormier raconte l'histoire de ce fichier dans "Les 100 000 collabos - Le fichier interdit de la collaboration française" (éd. Cherche Midi). Si le fichier est déclassé, la France est-elle capable aujourd'hui de regarder en face cette période de son histoire ? En septembre 2017, le journal L'Express en a fait deux pages. "On devait avoir la couverture, raconte l'historien, mais j'ai senti qu'il y avait eu des personnes qui voyaient d'un mauvais œil le fait que je relate notamment l'entrevue qu'avait pu avoir François Mitterrand dans les années 70 à Latche, dans les Landes, où il avait même invité à déjeuner René Bousquet, l'ancien chef de la police de Vichy."
Il reste des points sensibles, mais le fichier a le mérite de rappeller en quelque sorte que la "majorité des Français" n'étaient pas des "collabos" actifs mais cherchaient "surtout à survivre" au quotidien.
 

La collaboration économique n'est représentée que par 500 noms environ, alors que c'est une forme de collaboration qui a été la plus importante

 

Est-ce tout le monde peut avoir accès au "fichier interdit" ?

Lorsqu'on dit d'un document qu'il est "déclassé", tout le monde, et surtout les historiens, peuvent le consulter. Dans le cas du fameux fichier conservé aux archives départementales, le travail des archivistes n'est pas achevé, et "il est encore sous des tonnes d'archives".

En 1997, lors du procès Papon, il avait toutefois a été communiqué aux parties civiles, avant de retourner aux archives. Et Daniel Cordier, résistant de la première heure, et secrétaire de Jean Moulin, en avait manifestement connaissance. Par ailleurs, Alexandre de Marenches y fait référence dans le livre qu'il a écrit avec Christine Ockrent, "Dans le secret des princes" (1986) : cela avait "provoqué un véritable tollé en France" précise Dominique Lormier, "et ça avait tout de suite été étouffé volontairement pour des raisons politiques".

 

Qui a écrit le fichier ? et Que contient-il ?

Il s'agit de deux tomes de 2.000 pages qui recensent, à raison de 50 personnes par page, les noms, prénoms, parfois adresse et profession de 96.492 personnes ayant collaboré avec les Allemands. Classés par ordre alphabétique, ils sont tapés à la machine. Et parfois accompagnés des sigles de mouvements auxquels appartenaient ces personnes, par exemple PPF ( pour Parti populaire français) ou RNP (pour Rassemblement national populaire), mais aussi GO pour "Gestapo", SD, qui désigne les services annexes de la Gestapo, ou encore LVF pour légion des volontaires français. Avec une répartition approximative de 95% d'hommes et 15% de femmes, même s'il reste difficile de préciser ce chiffre. Et en guise d'introduction, un texte explique pourquoi ce fichier a été réalisé.

Ce fichier est l'œuvre en 1945 du Service du contre-espionnage de l'armée, le 5è bureau, qui était sous la houlette du colonel Paul Paillole (1905-2002), chef du renseignement français durant la Seconde Guerre mondiale. Il était d'ailleurs le seul officier français à connaître le jour et l'heure prévus pour le débarquement de Normandie en 1944.

Différentes formes de collaboration

Ce fichier a été utilisé au moment de l'épuration après la Libération, mais modérément. Se refusant à voir la France placée sous domination anglo-américaine, le général De Gaulle a préféré valoriser la réconciliation nationale et mettre en avant les mouvements de résistance.

Le fichier a surtout visé une épuration du personnel politique. Il ne fallait "pas trop toucher à la collaboration administrative" qui comptait des fonctionnaires compétents "les seuls à même de pouvoir remettre en place l'État". Il est intéressant de noter que la collaboration économique, différente du collaborationnisme qui suppose une adhésion d'ordre idéologique au système nazi, n'est représentée que par 500 noms environ, alors que c'est une forme de collaboration qui a été la plus importante. Cela a été le cas de nombreux patrons contraints par exemple de collaborer pour ne pas ferme leur usine.

 

 

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