Qui n'a jamais entendu parler du bois de Ste Lucie! Cette sainte venue d'Ecosse s'est
installée à Sampigny. Belle occasion de retrouver les traces qu'elle a laissées dans la région.
A Sampigny, bourg de la vallée de la Meuse entre Saint Mihiel et Commercy est vénérée St Lucie d'Ecosse. Notre équipe a souhaité en savoir plus, en rencontrant la conservatrice des musées de la Meuse Marie Lecasseur dont les bureaux sont implantés dans le clos Raymond Poincaré et Christophe ZELTZ de la paroisse et qui vit sur le site de l'ancien couvent des minimes.
Histoire rapide de l'église de Sampigny d'après les notes du curé Pierrard en 1746
L'église actuelle est, en fait, l'ancienne chapelle castrale construite au XIIIème siècle dans la forteresse de Sampigny au bord de la Meuse. Elle fut agrandie et reconstruite en 1500. C'était au départ la chapelle des écuyers à l'usage des défenseurs de la place.
église actuelle ancienne chapelle castrale
En 1595, érection d'une croix monumentale par Bertrand Lhoste, receveur de Sampigny, toujours présente devant l'église aujourd'hui. L'église fut restaurée en 1724 et agrandie de 2 travées en 1776. Elle est devenue église paroissiale en 1686.
Maison Lhoste de 1595
Les 2 Ste Lucie :
En entrant dans l'église, on peut être surpris de rencontrer une autre Ste Lucie : St Lucie de Syracuse (Sicile) : martyrisée sous Dioclétien en 304 et dénoncée à l'époque par son fiancé païen. Elle lui envoie alors ses yeux sur un plateau : la vierge lui en fait repousser des plus beaux.
On peut en déduire que le donateur a voulu faire un lien entre la Ste Lucie d'Ecosse et cette autre Ste Lucie.
Ste Lucie de Syracuse, une autre Ste Lucie
Ste Lucie : la légende
Ste Lucie est une fille très pieuse d'un roi d'Ecosse.Voulant vivre une vie de prière, elle quitte la cour du roi et rejoint le continent puis l'Est et fut arrêtée par le fleuve Meuse alors en crue.
Elle trouve asile chez le Seigneur Thiébaut. Elle gardait les brebis et priait dans une grotte sur les hauteurs. La nuit, elle filait à la lueur d'une lampe dont l'huile guérissait les malades.
A la mort du Seigneur, elle devient l'héritière du Seigneur selon une des version de sa vie. Elle bâtit une église à l'emplacement du cimetière actuel. Elle meurt à 40 ans : le 19 septembre. Sa vie est couverte de légende : elle serait venue dans la région entre le VI ème et le IX ème siècle de l'incarnation et canonisée en 950. Il existe aussi un oratoire en forêt à 300 m avec une croix de 1630
La chapelle dans le cimetière
Détail du fronton de la chapelle
Les reliques de Ste lucie :
Plusieurs siècles plus tard, les reliques furent authentifiées en 1302 et on réalisa une châsse en 1332.Vénérée par la duchesse de Lorraine, en 1612, Marguerite de Gonzague épouse d'Henri II de Lorraine et par la reine Anne d'Autriche en 1633 épouse de Louis XIII, toutes deux sans enfant.
L'histoire de France raconte que pour remercier la vierge Marie de la venue d'un enfant (le futur Louis XIV), le royaume de France prit Marie pour sainte patronne en 1638.
La châsse était conservée dans l'église d'en haut de Pâques au 29 octobre et dans l'église du bourg pendant l'hiver. la Châsse de cuivre était ciselée avec les écussons des évêques de la maison d'Apremont.
En 1793, à la révolution, la châsse est brisée : on partage une partie des ossements entre les habitants. En 1812 : restitution des reliques et en 1898, création d'une nouvelle châsse.
L'église primitive : Elle fut reconstruite de 1304 à 1332, au dessus de la grotte, par les Augustins de Girouet (ferme actuelle près de Grimaucourt les Sampigny).
Christophe passionné d'histoire nous explique qu'elle était plus longue que l'église actuelle : 30 m de long sur 15 m de large. On peut d'ailleurs trouver des croquis dans les notes du curé Pierrard.
Il y avait 4 chapelles et 4 chapelains.
Croquis de l'église d'en haut disparue
1626 : Le couvent des minimes Christophe Zeltz propriétaire des lieux aime nous expliquer que le couvent possédait 4 ailes et un cloître. Une Salle du chapitre, avec un réfectoire et un jardin.
Le couvent de Ste Lucie, par ses belles proportions et surtout par son site et son orientation, passait pour l'un des plus beaux de l'ordre en Lorraine après celui de Nancy.
Pourtant seulement 10 religieux l'occupèrent : il n'était plus que 5 au moment de la révolution.
En 1790 : il ne restait plus que 239 volumes (livres). L'église fut vendue avec le couvent et démolie. Reste aujourd'hui la vieille citerne du cloître et quelques arcades.
Vestiges du couvent
En 1812 restait une petite chapelle en mauvais état au dessus de la grotte et une autre sous l'arbre dit de Ste lucie.
Le bois de Ste Lucie :
Autre légende : la quenouille originaire du bois dit de sainte lucie a donné un bois précieux.
Les minimes vendaient des chapelets de St Lucie au retour du pelèrinage de Benoite-Vaux On donnait aussi aux étudiants des chapelets comme étrennes au collège des jésuites de Pont à Mousson en 1722 et 1723.
Le bois du cerisier de Ste Lucie est de couleur rouge, odorant et se prête à la sculpture. Objets religieux : crucifix, bénitiers, statuettes mais aussi profanes : Louis XIV, endetté par ses guerres, pris une ordonnance contre le luxe : l'orfèvrerie était visée. De ce fait, il existe beaucoup de coffrets bois, des boîtes avec des imitations en poirier ou en sapin. L'atelier des FOULLON sculpteurs était très réputé. Beaucoup d'objets existent au musée de St Mihiel
Coffret bois estimé à 4500 €
Le gisant en pierre de Ste Lucie : Dimension : 159 x 44 x 49
Marie a participé au retour de ce gisant à St Mihiel en septembre 2023. Il faisait partie d'une collection de Léon Charles Moreau. Après 1856, il occupait le soubassement du retable du maitre autel de l'église Saint Etienne à St Mihiel. Il ne fait pas partie des oeuvres de l'école de Ligier Richier, ni de ses descendants malgré sa beauté indéniable. L'abbé Souhault dès le XIXème en était convaincu, ce qui a été confirmé notamment par Paulettre Choné(professeur émérite des universités), Sophie Jugie, Directrice du département des sculptures du musée du Louvre et Pauline Lurçon conservatrice des monuments historiques à la DRAC.
Le descendant du juge Moreau fut condamné pour fait de collaboration et mourut en 1946. Ces biens furent saisis et acquis par un marchand de biens. Il fut vendu à la famille Hutin, bien connue comme fromagers de la région à Lacroix sur Meuse puis Dieue sur Meuse (aujourd'hui groupe Hochland). Ce gisant faisait partie d'une collection avec 2 autres statues Sainte Marthe et Sainte Elisabeth aujourd'hui, par achat ou préemption, au musée d'art sacré de Saint Mihiel avec le reliquaire.
Le reliquaire à voir au musée de Saint-Mihiel
Sainte Elisabeth visible au musée d'art sacré de la Meuse
Retour vers Sampigny
Saint Lucie a marqué la région de Sampigny et de Saint Mihiel. Notre venue porte déjà ses fruits. En effet, comme promis au maire, nous reviendrons dans ce village pour visiter le musée de Raymond Poincaré, président de la République décédé en 1934, maison et jardins ouverts en 1986. Nous pourrons aussi découvrir en détail l'église et le travail de la municipalité pour réhabiliter tout ce patrimoine
Le clos Poincaré siège du musée et de la conservation départementale des musées de la Meuse
Merci à Marie et Christophe pour leur connaissance et leur enthousiasme. Nous espérons que cette émission sur une sainte ou un saint plaira à nos auditeurs. Un autre regard décalé et mystérieux sur les merveilles en Lorraine.
Etienne 16 novembre 2024
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