Se perdre dans un quartier lointain au grès des saisons d'Ohgishima

Les saisons d'Ohgishima de Kan Takahama chez Glénat 

Le récit est découpé en chapitres comme autant de mois qui défilent et l'on voit les saisons passer au gré des rencontres de la jeune Tamao. La courtisane dont elle est apprentie a trouvé une place chez un commerçant hollandais, et dans son quartier, elle rencontre divers personnages d'horizons tous différents, un jeune français, un ancien esclave et c'est une galerie de portraits qui s’anime sous nos yeux en même temps que la description de la vie d’un quartier. L’autrice varie les ambiances aussi bien visuelles (et de circonstances, avec un épisode neigeux en hiver) que les émotions : certaines séquences sont plus sombres ou mélancoliques quand d’autres voient briller l’optimisme ou la bienveillance. L’ensemble est vivant, empli d'humanité adoptant souvent le point de vue de notre adolescente. Le trait fin et élégant de Kan Takahama, fait la part belle aux émotions et sa mise en couleurs - si je puis-dire, l’album étant en Noir et Blanc - donne du relief non seulement à ses personnages avec des effets très réussis sur les différentes chevelures, mais aussi à ses arrières plans : ce qui donne un livre très agréable à lire. Et même s’il s’agit beaucoup de visages et de personnages dialoguant, l’autrice propose des mises en scène efficaces, comme ces mises en avant de personnages au premier plan, prenant le pas sur le gaufrier classique de cases. Une belle entrée en matière que ce premier volume des Saisons d’Ohgishima publié aux éditions Glénat, l’autrice y fait part d’une belle qualité narrative et graphique. 

Quartier Lointain de Jirô Taniguchi chez Casterman 

Peut-être ne le savez-vous pas mais il s’agit d’un manga reconnu et multiprimé au début des années 2000. D’une remarquable justesse des émotions et des sentiments, Quartier Lointain est la bande dessinée qui a apporté le succès international à son auteur Jirô Taniguchi. Peut-être parce que, comme il le disait lui-même, elle repose sur « une idée simple qui traverse tout le monde à un moment ou un autre : notre vie aurait pu prendre un chemin très différent si nous avions fait ceci ou cela à l’un ou l’autre moment. » Quartier lointain nous invite donc à revivre l’année des 14 ans d’Hiroshi et tout ce que cela implique : il devient vite grisé de retrouver son corps d’adolescent et la légèreté de ce dernier. Alors qu’en sport, il était habituellement dans la moyenne, le fait de se savoir si souple, si léger, si endurant, booste son enthousiasme et se fait ainsi remarqué par ses nouvelles qualités sportives. Et en parlant de grisé, certains décalages sont amusants, comme son envie de boire du whisky qu’il avait prise en étant adulte, et de se retrouver saoul dans son corps d’adolescent... Se pose aussi la question pour lui de retomber amoureux quitte à changer peut-être le présent qu’il s’est construit : à savoir une vie de famille avec deux jeunes filles qui grandissent, elles aussi.  Le livre nous invite également à travers Hiroshi à poser un regard adulte sur les choix de nos parents alors que nous sommes enfants et adolescents et de replacer les choses dans leur contexte avec les sentiments des uns et des autres. Et se pose alors la question pour Hiroshi de faire un bilan sur son propre chemin et d’envisager l’avenir de façon plus apaisée. Un bien bel album déjà culte. 

Programmation musicale : 

Asia, Sofiane Pamart