C’est la colère qui a poussé trois philosophes catholiques à écrire "La communion qui vient - Carnets politiques d'une jeunesse catholique" (éd. Seuil). Une colère contre une certaine "image médiatique du monde catholique" et "une manière identitaire de concevoir le catholicisme". Paul Colrat, l'un de ses auteurs, aimerait que les jeunes néo-réactionnaires, fans de Zemmour et Soral, le lisent, pour qu'ils "passent vite à autre chose"...
On avait perdu l’habitude d’entendre une parole de vérité portée par la jeunesse. À ce titre, le livre "La Communion qui vient - Carnets politiques d'une jeunesse catholique" (éd. Seuil), étonne et dérange. Écrit par trois philosophes catholiques trentenaires, il aide à penser et interroger le rôle et le pouvoir de la foi dans le monde pour agir.
Depuis Simone Weil ou Jacques Ellul on avait besoin d’entendre des voix fortes et lucides. Paul Colrat, Foucauld Giuliani et Anne Waeles sont tous trois professeurs de philosophie et membres fondateurs de cafés associatifs - Le Simone à Lyon, Le Dorothy à Paris -, des lieux où "s’expérimente collectivement l’évangile dans la vie laïque". Leur ouvrage est paru en septembre 2021, à une époque où, à l’approche de l’élection présidentielle, les catholiques sont interpellés par certains discours identitaires, teintés de communautarisme, revendiquant les racines chrétiennes de la France.
C’est la colère qui a poussé les trois philosophes croyants à écrire ce livre. "Une colère contre une entente tacite entre une certaine manière de concevoir son propre catholicisme, une manière identitaire de le concevoir, et l’image que l’on peut avoir médiatiquement du monde catholique comme étant un milieu définit par son identité", décrit l'un de ses auteurs Paul Colrat. C’est le "discours sur le christianisme conçu comme un élément du patrimoine", qui est visé quand les trois philosophes disent vouloir avec leur livre "manifester à quel point certains discours sont faux", comme il est écrit dans la conclusion.
"Si le christianisme est quelque chose qu'on s’est approprié, qui est à nous, qui un élément du patrimoine français, qui serait le discours sur les racines chrétiennes de la France, alors il a peu d’intérêt." Au contraire le christianisme "a de l’avenir", explique Paul Colrat, s’il est "une foi vivante qui se partage, se donne dans la communion". Ce live qui s’adresse notamment "au jeune de 20 qui est chez lui à regarder des vidéos Youtube de Soral et Zemmour". "J’aimerais bien lui faire gagner du temps, qu’il passe vite à autre chose, parce qu’il y a des choses plus sérieuses que ces hurluberlus à écouter dans la vie."
À l’heure où "le retour à la communauté, à son aspect monolithique, identitaire, par conséquent fermé" est "une tentation très forte", ses auteurs lui opposent la notion de communion. Une notion qui ne serait pas un idéal à atteindre mais "quelque chose qui est déjà là, qui est déjà donné, qui s’est déjà, dans une certaine mesure, accompli". Ils s’inspirent pour cela de sa "racine théologique", la Trinité. Pour les chrétiens, Dieu est à la fois Père, Fils et Saint Esprit, trois personnes en une, "qui ont chacune une spécificité".
La politique tient une place importante dans "La Communion qui vient". L'ouvrage défend une position forte : le catholicisme s’est détourné de la question politique. Il faut donc y revenir de toute urgence, alors que s’est mise en place une mécanique du pouvoir qui enrôle les vies et génère une dépossession de la délibération. Les auteurs emploient d'ailleurs une tonalité parfois assez radicale. Ils écrivent : "Se nourrir, se divertir, faire l’amour : tous ces actes sont politisés jusqu’à l’os dans la mesure où ils sont configurés et commandés par des intérêts qui subordonnent les personnes à grande échelle."
Lorsqu’on "vit dans une espèce de bulle", on a tendance à croire que le monde serait politiquement neutre. Mais "ne serait-ce que se faire livrer des repas par Uber suppose des lois pour libéraliser le marché du travail, des travailleurs migrants précaires qui trouvent dans ce métier une planche de salut relative..." Si donc tout est politique, et si les chrétiens ont une parole de vérité et de liberté à faire entendre, elle doit être dégagée des logiques identitaires.
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