Ce second tableau peint par le jeune Lairesse pour le maître de forges aqualien Godefroid de Sélys était totalement inconnu jusqu’à sa découverte à la fin des années 1980. Les circonstances de cette découverte seront évoquées, de même que la dramatique genèse de la réalisation de cette peinture exceptionnelle.
En 1654, sur le chemin de Herve, les troupes françaises du lieutenant général de Fabert traversent la petite cité d’Aywaille. Craignant les exactions, les habitants se sont enfuis, mais quelques-uns d’entre eux se sont réfugiés dans l’église de Dieupart. Suite à une escarmouche avec l’arrière-garde française, l’église est incendiée : on compte une vingtaine de morts et le chœur de l’église est complètement détruit.
Godefroid de Sélys, maître de forges de la région, s’investira particulièrement dans le relèvement de l’édifice. Il convaincra manifestement d’autres notables liégeois de participer au financement de la reconstruction. Deux plafonds à caissons ornés d’armoiries peintes rappellent en effet leur participation ; ces plafonds sont peut-être de la main de l’obscur maître liégeois Alexandre de Horion.
À l’évidence, c’est Sélys qui a pris en charge les frais du maître-autel et du retable qui lui est destiné. On l’imagine d’autant plus aisément qu’il a confié la réalisation du tableau à Gérard de Lairesse, ce jeune peintre qu’il avait déjà employé, en 1662, pour orner d’un Orphée aux Enfers une cheminée de son domicile liégeois.
Le tableau réalisé pour le maître-autel de l’église de Dieupart est aujourd’hui appendu sur le mur d’un bas-côté de l’église, où il est resté longtemps ignoré. Il n’a été repéré qu’à la fin des années 1980. On y voit la Vierge s’élevant vers le ciel, où elle est accueillie par la Sainte Trinité. À l'époque de la Contre-Réforme, ce sujet est significatif de l'engouement que connaît en terre liégeoise le culte marial ; renié par les protestants, il est d'autant plus exalté par les catholiques de la petite principauté épiscopale.
C’est par l’analyse stylistique que cette toile a pu être restituée à Gérard de Lairesse. La figure de la Vierge, par exemple, se retrouve quasiment identique dans d'autres tableaux du maître. Sous la curieuse sphère armillaire que tient Dieu le Père, l'ange vu de face nous ramène à l'Orphée aux Enfers peint pour le même donneur d’ordre.
Le tableau d’Aywaille semblait en mauvais état, car dénaturé par de larges coulées d’eau qui avaient fait virer le vernis. En fait, la restauration menée en 1992 grâce à l’aide de la Fondation Roi Baudouin a montré un état de conservation absolument remarquable. Cette peinture a été classée au titre de Trésor de la Communauté française de Belgique dès 2010.
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