Imaginez-vous aller au cinéma à 8 heures 30 du matin ? A Cannes, c’est pourtant bien le quotidien de tout bon festivalier qui se respecte. Que ce soit au Grand Théâtre Lumière pour les films en compétition dans la Sélection Officielle, à la salle Debussy dans la section Un Certain Regard, ou au Palais Croisette (à la place de l’ancien Palais détruit au mépris de l’Histoire du Festival) à La Quinzaine des Réalisateurs, le Festivalier n’a pas intérêt à avoir fait la fête trop tard la veille au soir...
Les séances s’enchaînent ensuite toute la journée durant jusqu’à tard le soir. Ainsi, il n’est pas rare de regagner son studio ou sa chambre d’hôtel après une dernière projection à passer minuit. Et celui qui jurera ne jamais s’être assoupi en projection est un sacré menteur ! Encore faut-il réserver ses places en ligne, même pour les projections réservées aux accrédités presse...
Les choses se corsent
C’est que le site de la billetterie en ligne, accessible depuis cette année pour toutes les sections, est saturé en permanence, dès 7 heures du matin. A moins d’attendre votre retour d’une dernière projection pour vous connecter. C’est ainsi que j’ai décroché mon précieux sésame pour la projection du film des frères Dardenne mardi prochain à… 1 heure 21 du matin !
Pour ce qui est du film « Elvis » de Baz Lhurmann, c’est une autre paire de manches : la réservation n’étant possible que 72 heures à l’avance, il fallait se connecter ce dimanche dès 7 heures du matin. Malgré des tentatives répétées, en vain. Jusqu’à présent car, curieusement, des places se libèrent parfois. Faut-il encore être connecté précisément au moment où elles se libèrent. Bref, c’est la grande loterie. Ou le chaos diront les plus râleurs.
Entre les séances, conférences de presse et tentatives de réserver des places en ligne, il reste un peu de temps pour se nourrir… d’autre chose que de pellicule. Au super marché local, vous croiserez ainsi à toute heure (l’un d’eux est carrément ouvert jusqu’à minuit durant le Festival !) nombre de collègues accrédités, la carte d’accréditation pendant autour du cou même pour faire leurs courses. C’est, paraît-il, pour être sûr de ne pas l’oublier quand on se rend au Palais ou en projection ! Foi de vieux festivalier, quand on n’a pas sa carte d’accréditation autour du cou, on se sent un peu nu !
Et le resto ?
De moins en moins. Et il y a une explication. Jusqu’en 2018, la presse voyait un des deux films du jour en compétition la veille au soir vers 19 heures et l’autre à la séance de 8 heures 30, le jour-même. Alors que les projections officielles avaient lieu vers 19 heures et 22 heures. Mais avec des sites web très réactifs aujourd’hui, il arrivait que, dans l’entre-temps, des critiques négatives soient déjà postées en ligne et plombent l’atmosphère de l’équipe du film lors de la montée des marches qui doit rester un moment festif exceptionnel. Les producteurs ont donc demandé au Festival une sorte d’embargo interdisant à la presse de publier le moindre papier sur un film tant que la projection officielle n’a pas commencé. Le Festival est allé plus loin : désormais, la presse verra les films du jour à la même heure que la projection officielle, dans une salle voisine. Et donc en soirée.
Vu qu’il y a au moins deux films par jour en compétition, cela oblige les accrédités presse à passer leurs soirées principalement dans les salles obscures. Et à se passer de restaurant… Alors que ce resto après la projection presse de 19 heures était un moment de détente et d’échanges bien agréable entre accrédités devenus de réels amis au fil des ans… même en travaillant pour des médias concurrents !
Comme vous l’aurez compris, à l’inverse de ce que tout le monde croit, les accrédités presse ne foulent donc pas le fameux tapis rouge en smoking et robe de soirée, avec les stars, lors des projections officielles. Non, quand on couvre Cannes, on ne part pas en vacances. Mais on ne boude pas son plaisir pour autant !
Au Festival de Cannes, Pierre Germay
Pierre Germay, notre envoyé spécial, que vous pouvez également retrouver du lundi au jeudi en direct dans le "13.10"
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