Presque 20 ans après “La marche de l’Empereur”, Luc Jacquet fait son retour dans les salles de cinéma avec son nouveau film documentaire “Voyage au Pôle Sud”.
Ecologue de formation, Luc Jacquet fait ses premiers pas sur les terres glaciales en 1992. Il avait alors répondu à une annonce cherchant un biologiste pour aller étudier des manchots empereurs en Antarctique. Il assiste un réalisateur suisse sur place. Une expérience qui marque un tournant dans sa vie. Pris de passion pour le documentaire, il en tourne plusieurs, essentiellement animaliers, et généralement en Antarctique. Il réalise en 2005 “La marche de l'Empereur”. C'est un succès mondial qui lui vaut l'Oscar du meilleur film documentaire en 2006. Aujourd'hui Luc Jacquet nous transporte à nouveau, et peut-être une dernière fois, en Antarctique.
J’ai une attache profonde à l'Antarctique. J’ai d’abord été là-bas en tant que scientifique, ça a été mon premier regard sur ce territoire. Puis, après c’est devenu pour moi une source d’inspiration et un désir de partager. [...] C’est vrai que pour moi, ça a été aussi un rendez-vous dans des moments de vie particulier, et c’est un endroit qui m’est chère.
Luc Jacquet insiste : ce voyage est plus un film qu'un documentaire. Au-delà, des images, ce sont des émotions qu’il souhaite nous transmettre.
Avec ce nouveau film, j 'ai mis l' accent sur quelque chose de très intérieur, très désincarné aussi. C'est un film personnel où j' ai envie de conduire les gens là-bas, leur servir de guide. [...] L’objectif avec ce projet c'est d' abord un geste artistique, c'est l’émotion, l'émerveillement qui prime. Après c’est un geste qui est interprété comme quelque chose de très politique. Mais peut être qu’aujourd'hui défendre la beauté, notre avenir sur cette planète devient un geste politique, en tout cas pour moi c'est avant tout l'idée de faire un film, d’emmener les gens, leur procurer une forme d'évasion, une forme de méditation aussi, leur faire partager ces territoires ou finalement peu de gens ont la chance d'y aller.
Inviter les gens à regarder, à s’émouvoir est quelque chose d’important pour le réalisateur. Il souhaite expliquer pourquoi ces territoires sont si attirants pour les scientifiques, les explorateurs ou les artistes. En voix off, le réalisateur nous partage les émotions qu’il a ressenties en marchant sur ces rives glacées.
Il aura fallu plus de deux ans de travail pour sortir ce film. Sur place, l’équipe de tournage est restée au total environ 4 mois. Les expéditions ont duré une vingtaine de jours, parce qu'un tel milieu impose sa météo.
Il n’y a pas vraiment de journée type de tournage. C’est une question de météo, de transport, selon ce que l’on attend. [...] Le film était très clairement définit dans ma tête, au moins dans sa dramaturgie et dans les étapes qu’il devait rencontrer. Après c'est sûr que quand on utilise ce genre de cinéma, il y a toujours une modalité qui est réglée par la nature elle-même .
Le réalisateur burgien a décidé de proposer le film en noir et blanc.
Le noir et blanc était un choix d’abord pour échapper au flux d images que nous déversent les réseaux sociaux devant les yeux, c’est à dire d’essayer d’aller chercher la profondeur des paysages, d’aller passer derrière les apparences. Evidemment, je voulais aussi aller chercher l’esthétisme incroyable de ces endroits. C’était aussi une façon de changer un peu notre rapport au temps. Quand vous arrivez là-bas, vous n’êtes plus dans la même temporalité, tout est toujours météo permanente, glace permanente. Il n'y a pas de marqueur de temps dans le paysage. Vous avez le sentiment de pouvoir vous balader dans les siècles de façon assez impressionnante.
Bien que l'origine de ce film documentaire soit d'interpréter les sentiments, les émotions de ces lieux, c’est aussi un témoin du changement climatique. Sur les lieux, Luc Jacquet et son équipe constatent et observent les conséquences du réchauffement climatique, mais surtout l’inaction face à lui.
Je pense qu'aujourd'hui, on arrive à un tel moment de rupture entre nos sociétés de plus en plus urbaines, de plus en plus digitales, que ce qui aurait pu être un divertissement il y a 10 ans devient quelque chose de politique. On voit dans certaines sphères politiques, un déni climatique absolument effarant. C’est des éléments qui m'inquiètent énormément. On arrive un peu à court d'argument. [...] On le constate sur les lieux. Je sais où sont les signaux, et les signaux ne sont pas bons. C'est d’autant plus préoccupant que ça fait un moment que l’on essaye d’alerter.
“Voyage au Pôle Sud” est actuellement projeté dans les salles de cinéma. Luc Jacquet prépare quant à lui, son prochain film sur le monde du Corail, un conte un peu plus fictif.
Regardez la bande-annonce du film "Voyage au Pôle Sud" de Luc Jacquet
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !