Alpes-Maritimes
Alors que les championnats du monde de ski alpin se sont ouverts ce lundi 6 février en Savoie et que les vacances d’hiver ont commencé pour la zone A, l’avenir des montagnes françaises est plus que jamais questionné. Le dérèglement climatique et l’inflation poussent à repenser les séjours à la montagne, territoire particulièrement vulnérable.
"Cela fait 70 ans que l’on a développé nos activités d’hiver à la montagne, mais on a atteint un point de non-retour." Frédi Meignan est président de la section française de Mountain Wilderness. L’association prend soin de la montagne et œuvre à faire évoluer les comportements, tant chez le grand public que chez les politiques. Jusqu’à présent, environ 13% des Français allaient skier aux vacances de février. Un chiffre menacé par le manque de neige. Les sports d’hiver en France représentent un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros par an. Pour que la montagne reste un lieu attractif, les stations doivent se réinventer en harmonie avec la nature.
Si les montagnes comptent parmi les derniers territoires non habités en permanence par l’homme, elles n’en sont pas moins impactées par le réchauffement climatique. C’est même à la montagne que l’on voit le plus les effets de la crise climatique. Cela est dû à l’activité touristique, aux remontées mécaniques, à l'hébergement ou aux transports. Ainsi, le Jura est l’une des zones européennes qui connaît la plus forte accélération du réchauffement climatique, avec une moyenne de +0.5°C depuis le milieu des années 2000.
"Ça me fait vibrer de vivre dans un endroit aussi fragile et aussi beau", témoigne Frédi Meignan, qui invite à prendre le défi à bras le corps. Dans l’imaginaire collectif des Français, la montagne est majestueuse. Olivier Erard parle d’un "lieu fragile, où chaque mètre carré est riche et essentiel". Directeur du syndicat mixte Mont d’Or (SMMO) à Métabief (Haut-Doubs), il est témoin de ces changements au quotidien. La station de Métabief s’impose comme une pionnière en matière de réflexion et d’action sur l’adaptation à la situation climatique.
"On a commencé par s’adapter à la montagne, puis l’homme a voulu qu’elle s’adapte à lui." Fredi Meignan cite par exemple les canons à neige, ou les pistes gazonnées. Ces stratégies ne font que repousser le problème et dénaturent notre rapport à la montagne. "Mais pour qui on se prend ?", assène l'intervenant, qui estime que si l’on veut voir se développer une vie économique pérenne, elle doit être compatible avec la terre.
Les humains représentent 0,01% de la biomasse terrestre, mais ils en ont abîmé 75%. Pour que les séjours à la montagne puissent perdurer, "on doit savoir tourner la page", estime Frédi Meignan. Aller à la montagne est une expérience fondamentale pour apprendre à coopérer avec la nature. L’immensité des espaces rappelle à l’homme sa petitesse : c’est une leçon d’humilité.
"Oui, on doit envisager la fin du ski." Olivier Erard compte parmi les directeurs de stations de ski précurseurs. Contre le déni, les faits. Frédi Meignan opine : "À vouloir sauver un système, on fait des pansements. Mais une politique de santé ne peut être une politique de pansement." Parmi les pansements, les canons à neige, qui ne font que déplacer le problème. Pour lui, une solution serait de mettre la moitié des subventions des canons à neige au service des formations artistiques à la montagne. Cela la rendrait attractive pour une autre population. Car l'enjeu est aussi social : les sports d'hiver sont réservés à une certaine partie de la population. Changer nos modes de vie à la montagne, c'est aussi la rendre plus accessible économiquement.
Face aux pistes sans neige, la prise de conscience est forte et existe bel et bien. "Maintenant, on se demande comment on passe à l’acte", assène Olivier Erard. La décennie à venir conditionne les choix d’investissements liés à la neige. Le directeur du SMMO assure ne faire que de la maintenance : "c’est une rupture culturelle profonde". L’idée est surtout de "faire émerger d’autres choses", et avec humilité. "On avance à tâtons, intuitivement. On va faire différents tests pour trouver les meilleures solutions", avance Olivier Erard.
"C’est un défi collectif, et personne n’y a été confronté avant." Pour les intervenants, il faut mettre tous les moyens pour anticiper et "sortir du tunnel". Choisir un autre mode de mobilité pour se rendre à la montagne et s’y déplacer n’est pas sans impact : l’action peut aussi se faire à l’échelle individuelle. Mais "c’est surtout au au modèle de se transformer et de se réinventer", souligne Olivier Erard.
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