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Canal Seine-Nord Europe, quels impacts environnementaux pour les Hauts de France ?

Un article rédigé par Anne HENRY - RCF Hauts de France, le 18 septembre 2024 - Modifié le 24 septembre 2024
Commune planète • RCF Hauts de France[Emission Spéciale] Canal Seine-Nord Europe, quels impacts environnementaux pour les Hauts de France ?

La Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE) a eu le feu vert en août dernier pour poursuivre les travaux, entre Passel (Oise) et Aubencheul-au-bac (Nord). Au grand dam de certains qui s’interrogent sur la pertinence environnementale et financière d’un tel chantier. 

Vue-3D-de-lecluse-de-Oisy-le-Verger-©SCSNE-ONEVue-3D-de-lecluse-de-Oisy-le-Verger-©SCSNE-ONE

Creuser un canal à grand gabarit de 107 km pour permettre à la Seine de rejoindre l’Escaut puis les grand ports de la Mer du Nord, voilà l’ambition du projet qui remonte à 1993, date du premier débat public. Le coeur du projet est de permettre un report modal d’un million de camions de la route vers le fluvial et ainsi de réduire les émissions de CO2.  Le chantier préparatoire a démarré il y a un an sur un premier tronçon de 18 km entre Compiègnes et Passel. Tout reste à faire sur les autres 89 km : surélever des ponts, construire 4 ports intérieurs (Marquion-Cambrai, Péronne, Nesle, Noyon), une ou deux retenues d’eau pour alimenter les 21 millions de m3 du Canal, six écluses, trois ponts canaux, deux haltes de plaisance et des quais de desserte. Le creusement du canal commencerait en 2025, avec un début d’exploitation en 2030. Le projet pourrait créer jusque 50 000 emplois et désenclaver certains territoires. 

 

Lancement de nouveaux travaux préparatoires
Depuis l’autorisation environnementale de cet été, David Becart, le directeur environnement de la SCSNE, explique ce qui va se passer sur le terrain entre Passel et Aubencheul-au-Bac : « On a lancé un marché de travaux pour la construction de l’écluse de Oisy-le-Verger dans le Pas-de-Calais (photo). Et sur le terrain, il y a des travaux préparatoires comme des fouilles archéologiques ou des dévoiements de réseaux fluviaux. »   Et ce même si 8 recommandations et 5 réserves figurent dans la Commission d’enquête publique réalisée au printemps 2024 en amont de l’autorisation environnementale comme « - Faciliter le report modale de la route vers le fluvial - communiquer sur le montant de l’emprunt  de bouclage et de la nature de la taxe à instaurer pour son remboursement - prévoir un plan d’actions contre la dégradation de la qualité des eaux du CSNE et retenue de Louette en cas de pollution …. » Mais David Becart tient à préciser que la Société a répondu à la Commission d’enquête sur tous ses points, sous la forme d’un mémoire, disponible sur le site de la préfecture et de la SCSNE.

 

Un report modal à confirmer
Des points restent néanmoins bloquants pour les opposants comme le collectif MégaCanal Non Merci, comme une artificialisation des sols, une utilisation excessive de l’eau, la perte de terres agricoles de grandes qualités, une transformation totale de paysages... Pierre Parreaux, son représentant qui a travaillé sur des projets similaires par le passé, souligne le manque de pertinence écologique du projet. Au départ, le Canal devait permettre une diminution des émissions de carbone grâce au report modal. Mais on sait qu’en 2040, les camions auront l’obligation d’être électriques (nouveau Règlement UE 2024/1610). Et le Canal ne récupérerait que 3 % du trafic routier de l’A1 selon le rapport Massoni-Lidsky de 2013. Selon un rapport de la Cour des comptes européenne de 2020 (toujours cité par la Commission d’enquête publique de 2024), les prévisions de trafic du Canal seraient donc surévaluées, remettant en cause le modèle économique. Par ailleurs comme l’explique Pierre Parreaux, « ce qui circule essentiellement sur l’A1, ce sont des semi-remorques qui transportent des palettes et peu de containers plus adaptés au transport fluvial. »

 

Mais pour David Becart, des études ont été réalisées sur le report modal de la liaison Seine-Escaut, mises à jour en 2021 et annexées à l’étude d’impact du projet présenté au public en mars 2024 : « elles confirment les perspectives d’un report modal important, comme aux Pays-Bas ou en Belgique. Avec l'arrivée du Canal et les aménagements à réaliser sur la liaison Seine-Escaut, on multiplie par cinq le trafic fluvial sur l'axe Nord-Sud. C'est significatif pour le transport fluvial ». La Société du Canal précise d'ailleurs que "les prévisions de trafic et le calcul de rentabilité socio-économique du Canal a bien pris en compte les conditions de navigation sur l’ensemble de la liaison Seine-Escaut, y compris la hauteur des ponts sur l’Oise et les canaux du Nord (navigation à deux couches pour les conteneurs). La performance du réseau Seine-Escaut dans ces conditions assure que le CSNE est un investissement rentable pour la collectivité." Tout l'enjeu sera alors de mettre en oeuvre une politique pour inciter les entreprises à faire transiter leurs marchandises via le Canal.

 

Un financement sans fin
Autre point bloquant : dans un contexte de déficit public national, le coût du Canal a été réévalué à 7 voire 7,5 milliards d’euros cette année contre 5 initialement. Les élus PS et PCF HDF s’en inquiétaient déjà dans un communiqué du 20 juin, lors de la séance plénière du Conseil régional à l’occasion de la présentation de l’état d’avancement du chantier : « Le marché de l’emploi, tendu, a entraîné des difficultés de recrutement et une hausse des coûts des matières premières a généré  des surcoûts. La commission européenne a averti de tensions sur les budgets européens, que ce soit pour la programmation 2021-2027 mais aussi pour 2028-2034 pour laquelle la négociation commence. » Ils demandent à la Région de négocier au mieux. Et cette facture en hausse ne comprend même pas  celle des quatre ports intérieurs, ni même celle du réhaussement des 150 ponts trop bas du réseau Dunkerque Escaut (1,8 milliards d’euros chiffrés par le Conseil d’orientation des infrastructures) et idem pour ceux de l’Oise (facture non chiffrée). Et cela n’inclut pas la facture du rallongement des écluses Dunkerque Escaut (145m au lieu des 200 m nécessaire). Certains craignent un nouveau « Flamanville » financier, en référence au projet d’EPR de la Manche.

Mais pour la Société du Canal, il n'y a pas de financement sans fin, grâce à un mécanisme de financement conçu pour s'adapter à l'inflation, supérieure aujourd'hui à celle de 2019 date de signature de la convention de financement, et aux attributions au fil du temps des contrats de travaux (détails dans le Mémoire cité ci-dessus de la SCSNE p55). La convention prévoit un emprunt de bouclage à venir, dont le montant s'ajustera aux besoins.

Stéphane Baly, élu Europe Ecologie-Les Verts à la métropole européenne de Lille concernée par le chantier, s’interroge de son côté sur le financement de cet emprunt : « Ne peut-on pas internaliser les coûts du trafic routier via une éco-taxe, pour financer le projet et rendre plus compétitif le fluvial et le ferroviaire et moins compétitif le routier ? Or le président du conseil de surveillance de la SCNE, Xavier Bertrand, par ailleurs président de région, est pour le Canal et contre l’éco-taxe. Une dissonance à résoudre rapidement pour boucler le projet et avoir un transport plus durable.»   En attendant de connaître la solution, pour David Becart, il faut avancer :  "il y a quand même eu une déclaration d'utilité publique du projet. Donc le débat sur l'opportunité du projet est derrière nous. Ce qu'on a obtenu cet été, ce sont les autorisations environnementales pour réaliser effectivement le projet."

=> Retrouvez ci-dessus le podcast de l'émission spéciale "Canal Seine-Nord Europe  : quels impacts environnementaux  pour les Hauts de France" avec David Becart de la SCNE et Stéphane Baly écologiste, un débat organisé en partenariat avec la Voix du Nord, disponible également en vidéo sur You Tube.

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