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Canal Seine-Nord Europe, quels impacts environnementaux pour les Hauts de France ?

Un article rédigé par Anne HENRY - RCF Hauts de France, le 18 septembre 2024 - Modifié le 19 septembre 2024
Commune planète • RCF Hauts de France[Emission Spéciale] Canal Seine-Nord Europe, quels impacts environnementaux pour les Hauts de France ?

La Société du Canal Seine-Nord Europe (CSNE) a eu le feu vert en août dernier pour poursuivre les travaux, entre Passel (Oise) et Aubencheul-au-bac (Nord). Au grand dam de certains qui s’interrogent sur la pertinence environnementale et financière d’un tel chantier. 

Vue-3D-de-lecluse-de-Oisy-le-Verger-©SCSNE-ONEVue-3D-de-lecluse-de-Oisy-le-Verger-©SCSNE-ONE

Creuser un canal à grand gabarit de 107 km pour permettre à la Seine de rejoindre l’Escaut puis les grand ports de la Mer du Nord, voilà l’ambition du projet qui remonte à 1993, date du premier débat public. Le coeur du projet est de permettre un report modal d’un million de camions de la route vers le fluvial et ainsi de réduire les émissions de CO2.  Le chantier préparatoire a démarré il y a un an sur un premier tronçon de 18 km entre Compiègnes et Passel. Tout reste à faire sur les autres 89 km : surélever des ponts, construire 4 ports intérieurs (Marquion-Cambrai, Péronne, Nesle, Noyon), une ou deux retenues d’eau pour alimenter les 21 millions de m3 du Canal, six écluses, trois ponts canaux, deux haltes de plaisance et des quais de desserte. Le creusement du canal commencerait en 2025, avec un début d’exploitation en 2030. Le projet pourrait créer jusque 50 000 emplois et désenclaver certains territoires. 

 

Lancement de nouveaux travaux préparatoires
Depuis l’autorisation environnementale de cet été, David Bequart, le directeur environnement de la SCSNE, explique ce qui va se passer sur le terrain entre Passel et Aubencheul-au-Bac : « On a lancé un marché de travaux pour la construction de l’écluse de Oisy-le-Verger dans le Pas-de-Calais (photo). Et sur le terrain, il y a des travaux préparatoires comme des fouilles archéologiques ou des dévoiements de réseaux fluviaux. »   Et ce même si 8 recommandations et 5 réserves figurent dans la Commission d’enquête publique réalisée au printemps 2024 en amont de l’autorisation environnementale comme « - Faciliter le report modale de la route vers le fluvial - communiquer sur le montant de l’emprunt  de bouclage et de la nature de la taxe à instaurer pour son remboursement - prévoir un plan d’actions contre la dégradation de la qualité des eaux du CSNE et retenue de Louette en cas de pollution …. » Mais David Bequart tient à préciser que la Société a répondu à la Commission d’enquête sur tous ses points, sous la forme d’un mémoire, disponible sur le site de la préfecture et de la SCNSE.

 

Un report modal à confirmer
Des points restent néanmoins bloquants pour les opposants comme le collectif MégaCanal Non Merci, comme une artificialisation des sols, une utilisation excessive de l’eau, la perte de terres agricoles de grandes qualités, une transformation totale de paysages... Pierre Parreaux, son représentant qui a travaillé sur des projets similaires par le passé, souligne le manque de pertinence écologique du projet. Au départ, le Canal devait permettre une diminution des émissions de carbone grâce au report modal. Mais on sait qu’en 2040, les camions auront l’obligation d’être électriques (Règlement UE 2024/1610). Et le Canal ne récupérerait que 3 % du trafic routier de l’A1 selon le rapport Massoni-Lidsky de 2013. Selon un rapport de la Cour des comptes européenne de 2020 (toujours cité par la Commission d’enquête publique de 2024), les prévisions de trafic du Canal seraient donc surévaluées, remettant en cause le modèle économique. Par ailleurs comme l’explique Pierre Parreaux, « ce qui circule essentiellement sur l’A1, ce sont des semi-remorques qui transportent des palettes et peu de containers plus adaptés au transport fluvial. » Mais pour David Bequart, des études ont été réalisées sur le report modal de la liaison Seine-Escaut, mises à jour en 2021 et annexées à l’étude d’impact du projet présenté au public en mars 2024 : « elles confirment les perspectives d’un report modal important, comme aux Pays-Bas ou en Belgique ». Sans donner par ailleurs le détail des marchandises transportées. 

 

Un financement sans fin
Autre point bloquant : dans un contexte de déficit public national, le coût du Canal a été réévalué à 7 voire 7,5 milliards d’euros cette année contre 5 initialement. Les élus PS et PCF HDF s’en inquiétaient déjà dans un communiqué du 20 juin, lors de la séance plénière du Conseil régional à l’occasion de la présentation de l’état d’avancement du chantier : « Le marché de l’emploi, tendu, a entraîné des difficultés de recrutement et une hausse des coûts des matières premières a généré  des surcoûts. La commission européenne a averti de tensions sur les budgets européens, que ce soit pour la programmation 2021-2027 mais aussi pour 2028-2034 pour laquelle la négociation commence. » Ils demandent à la Région de négocier au mieux. Et cette facture en hausse ne comprend même pas  celle des quatre ports intérieurs, ni même celle du réhaussement des 150 ponts trop bas du réseau Dunkerque Escaut (1,8 milliards d’euros chiffrés par le Conseil d’orientation des infrastructures) et idem pour ceux de l’Oise (facture non chiffrée). Ces ponts sont pour l’instant trop bas pour faire passer 3 couches de containers, nécessaires pour assurer une rentabilité économique au Canal. Et cela n’inclut pas la facture du rallongement des écluses Dunkerque Escaut (145m au lieu des 200 m nécessaire). Certains craignent un nouveau « Flamanville » financier, en référence au projet d’EPR de la Manche. Si la Société n’apporte pas encore de précision sur le mode de financement du surcoût, d’autres comme Stéphane Baly,  élu Europe Ecologie-Les Verts à la métropole européenne de Lille concernée par le chantier, s’interroge : « Ne peut-on pas internaliser les coûts du trafic routier via une éco-taxe, pour financer le projet et rendre plus compétitif le fluvial et le ferroviaire et moins compétitif le routier ? Or le président du conseil de surveillance de la SCNE, Xavier Bertrand, par ailleurs président de région, est pour le Canal et contre l’éco-taxe. Une dissonance à résoudre rapidement pour boucler le projet et avoir un transport plus durable.»   

=> Retrouvez ci-dessus le podcast de l'émission spéciale "Canal Seine-Nord Europe  : quels impacts environnementaux  pour les Hauts de France" avec David Bequart de la SCNE et Stéphane Baly écologiste, un débat organisé en partenariat avec la Voix du Nord, disponible également en vidéo sur You Tube.

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