Après notre rapport du mois de juin 2020 sur les effets du premier confinement, nous venons de publier un nouveau rapport afin d’enrichir la compréhension du vécu des personnes âgées, leurs difficultés, leurs souffrances et les inégalités exacerbées par la crise sanitaire. Il est basé sur une centaine d’entretiens, réalisés en collaboration avec le Cercle Vulnérabilités et Société, de personnes âgées de 61 à 99 ans, de professionnels de santé, d’aidants et de bénévoles. Bien sûr, en moins de trois minutes, je ne vais pas vous donner toutes les conclusions de ce rapport mais je tiens à partager un des enseignements qui nous inquiète, à savoir, le regard de plus en plus négatif sur la vieillesse.
Nous l’avons bien vu, plus d’un an après le début de la pandémie, la solidarité envers les plus âgés s’est essoufflée jusqu’à la multiplication récente de prises de paroles accusant les aînés d’être les empêcheurs de vivre normalement. Si les oppositions entre générations ont existé de tous temps, il suffit de relire Sénèque, Molière ou de fredonner une chanson très connue de Brassens, nous constatons que les personnes âgées elles-mêmes associent de plus en plus systématiquement la vieillesse à la perte d’autonomie et à l’EHPAD. Bien sûr, ce qu’on leur a donné à voir depuis des mois avec des résidents claquemurés au sein de certains établissements, avec des libertés et une citoyenneté réduite, avec un espace public anxiogène, a participé de cette vision extrêmement restrictive.
Cette nouvelle fracture est alarmante : vieillir fait partie de notre existence et avec la longévité, cette étape représente désormais un bon quart de la vie. Chaque moment vécu est porteur de belles choses, de richesse, d’échanges. Redouter ou rejeter la vieillesse peut mettre à mal toutes les actions de prévention qu’on appelle communément les politiques du bien-vieillir. Peut-être devrions-nous d’abord commencer par mettre en place des politiques du "vieillir" ?
Nous avons, à l’évidence collectivement, un gros travail d’acceptation à faire : reconnaître les fragilités comme faisant partie intégrante de notre condition humaine, mieux apprivoiser cette finitude qui nous effraie tant et aider toutes les générations à se comprendre. Que l’on soit jeune, moins jeune, vieux ou très vieux, nous avons tous un besoin crucial de lien social. Il est essentiel, à 20, 70 ou 90 ans. Alors, ayons la volonté de trouver rapidement la voie de l’apaisement pour bâtir ensemble la société de demain en mettant le maintien du lien social au cœur de nos préoccupations communes.
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