Le plus grand polder de France entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer frémit. Les sols sont déjà gorgés d’eau et les habitants ont peur de revivre l’enfer des précipitations torrentielles de l’an dernier. État des lieux avec un maire du secteur et le président de l’Institution intercommunale des wateringues.
L’année dernière, on a évacué par pompage en 4 mois, ce que l’on évacue habituellement à la mer en 4 ans.
rappelle Bertrand Ringot, président de l’Institution intercommunale des wateringues. Durant l’automne et l’hiver 2023/2024,la récurrence de fortes pluies, un faible coefficient des marées, la surcôte marine, des pompes d’évacuation en maintenance et un sol gorgé d’eau ont provoqué des crues exceptionnelles centenales : 300 communes touchées, plus de deux milliards d’euros de dégâts, des centaines de sinistrés dont certains n’ont toujours pas été relogés.
Travaux d’urgence réalisés
Un an après, des fonds ont été débloqués (97 millions d’euros annoncés par la ministre de la transition écologique le 25/09/24) pour 500 travaux d’urgence (retrait d’embâcles, restauration de berges, faucardage, curage de fossés, installation de pompes). Et plus largement, 262 millions d'euros pour l'ensemble du Nord-Pas-de-Calais pour des travaux structurants et autres (selon le Comité de suivi des inondations du 7/10/24 qui se tenait à Arras). Des rapports ont été réalisés par l’État et des élus pour faire le point sur la situation et des préconisations (voir ci-dessous). Mais pour certains maires et collectifs de sinistrés (Ass. de sinistrés du hauts estuaire de la Canche, Collectif de riverains de la Liane, Stop inondations Pas-de-Calais) réunis lors d’une rencontre-débat du 4/10 à Andres, cela ne va pas assez vite et les maires ne sont pas assez entendus.
Sols gorgés d’eau
Pour d’autres comme Eric Buy, maire de Guînes, situé entre Calais et Saint-Omer, il reconnaît qu’il faut du temps pour mener des travaux structurants qui pourront changer la donne à terme. Mais il s'inquiète :
Aujourd’hui, les sols sont déjà bien gorgés d’eau et les nappes phréatiques sont au maximum de leur capacité. Il ne faut pas que l’on ait à nouveau des précipitations comme fin 2023, sinon on aura une catastrophe.
Et d’expliquer qu’il a déjà commandé parpaings, pompes, et sacs de sables pour prévenir le pire, tout en étant à l’écoute des habitants, stressés par des crues potentielles.
Nouvelle gouvernance
De son côté, l’Institution intercommunale des wateringues a annoncé 8,3 millions de travaux qui ont commencé l’hiver dernier et vont se poursuivre, avec notamment le renforcement de la capacité de pompage aux exutoires de Calais, Mardyck et Dunkerque. Ils seront opérationnels cet hiver. Celle qui co-gère la gestion hydraulique des canaux et fossés permettant d’assécher le polder du Delta de l’Aa, n’est d'ailleurs pas seule dans cette mission. L’institution partage cette responsabilité avec les Voie navigables de France, les ports, les collectivités et les sections de wateringues (associations privées souvent tenues par des agriculteurs). Et elle appelle à une nouvelle gouvernance, comme proposée lors du dernier Comité de suivi des inondations du 7/10 piloté par la préfecture.
Nous sommes pour la création de ces trois EPB, Établissements publics de bassins, un pour chaque bassin versant dont un pour le Delta de l’Aa. Ils auront la mission d’être des autorités supérieures pour la gestion hydraulique de chaque territoire, en espérant que les onze sections de wateringues y seront associées.
souligne Bertrand Ringot.
Un territoire à risques
Au-delà des aspects techniques, d’autres appellent à développer une culture du risque de la population à travers des expositions, rencontres des jeunes, actions de commémoration, campagne d’information, formation des élus, exercice d’évacuation …
L’information de la population est primordial, pour que les gens comprennent comment fonctionne leur territoire et le risque associé. Car ce secteur est menacé.
comme le souligne l’association Citoyennes et citoyens du Calaisis pour le climat, qui espère aussi sensibiliser les décideurs économiques à d'autres modes de développement (moins d'artificialisation des sols, d'agriculture intensive ...) pour protéger les sols .
Pour en savoir plus, retrouvez le débat RCF / Voix du Nord avec Eric Buy et Bertrand Ringot dans l’émission Commune Planète « Le secteur des watringues face au risque d'inondations » en podcast et sur You Tube, animé par Raphaëlle Remande de la Voix du Nord et Anne Henry de RCF Hauts de France.
Pour aller plus loin :
- Bilan des crues par l'Institution intercommunale des watringues
- le projet à 2050 du Deltat de l'Aa, face au défi climatique
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