J’ai envie de vous parler d’un livre publié il y a quelques années par les Petits Frères des Pauvres, un recueil de lettres écrites par des personnes que nous accompagnons. Notre mission est aussi de partager avec le plus grand nombre nos valeurs d’humanité, essentielles dans notre société moderne qui tend à laisser de côté ses ainés. Graver sur le papier leurs récits de vie, leurs pensées, leur vision du monde ou leur regard sur la société sont autant de preuves de la richesse qu’ils ont à nous offrir que d’appels à l’écoute et à l’attention que nous devons porter aux aînés.
La lettre de Djaffar m’a touché.
« Je pense au Petit Prince de Saint-Exupéry. Le Petit Prince, ayant pris un vol de nuit, n’a pas pu (ou pas voulu ?) atterrir sur la Terre des Hommes. Moi, je me souviendrai toujours de ce cours : en classe de quatrième, on étudiait Saint-Exupéry. La vraie vie de Saint-Exupéry nous en dit beaucoup. Son avion s’était écrasé dans le désert, en Libye. Et il a été sauvé par un Bédouin. En guise de remerciements, Saint-Exupéry lui a dit : "Tu ne t’effaceras jamais de ma mémoire. Tu es un homme, et tu m’apparais avec le visage de tous les hommes à la fois. Tu es le frère bien aimé, et je reconnais en toi tous les hommes". C’était en 1944. Du temps a passé depuis, mais ce sujet est toujours et plus que jamais d’une brûlante actualité. La fraternité, on ne peut pas dire qu’elle existe maintenant ; en tout cas, elle ne se vit pas suffisamment. On est dans un « chacun pour soi ». On vit dans un monde où on ne pense plus assez aux autres. Ainsi, quand je suis dehors, il y a un monde fou dans les rues, et je me sens tout seul, comme dans un désert. J’ai été dans le désert, pour de vrai. Je travaillais à cette époque dans une compagnie pétrolière. On travaillait 7 jours sur 7. On s’arrêtait vers midi, et on reprenait quand la chaleur s’était un peu calmée. Un jour, j’ai eu envie de marcher tout seul, pendant ma pause. J’ai beaucoup marché, et à force de marcher tout seul, j’entendais des bruits qui m’inquiétaient. Est-ce qu’ils venaient de par terre ? Est-ce que ce serait des scorpions ? Mais non, en fin de compte, j’ai réalisé que ce que j’entendais, c’était la circulation de mon sang. Mais je ne me suis pas égaré. J’avais le bon repère : à l’horizon, des baraquements. Mais maintenant, en ville, c’est la solitude. La ville, c’est vraiment le désert, et aucun repère de fraternité. J’ai envie que la fraternité devienne une réalité. Pour ça, pour y arriver, il faut combattre les égoïsmes, les "chacun pour soi", les inégalités. A tous les humains qui veulent vivre la fraternité, je leur dis : "Oui, allons-y tous ensemble, dans un même élan !" »
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