Il n’y a pas de place ! Ce cri dévoilant de la peur est celui des plus fragiles, d’où l’urgence de l’entendre pour que la fracture sociale ne s’aggrave pas. Les parcours de vie sont marqués par des multitudes de manques : de la crèche aux maisons de retraite ou encore à la culture, se rappelant la situation de ces étudiants qui, après avoir réussi leur bac parfois avec mention, se sont trouvés sur une file d’attente pour rentrer à l’Université.
Que de personnes désespèrent de trouver un logement, notamment en Île de France en raison de délais très longs, mettant à mal une vie familiale. Que d’autres connaissent la même mésaventure après une période de chômage pour retrouver une vie professionnelle.
Ces manques sont les marqueurs d’une société fébrile, inquiète, consciente que ces lourdes ruptures ne sont pas prêtes à s’estomper alors que les dotations budgétaires plafonnent pour diminuer l’endettement de la Nation. Le raisonnable, s’il est entendu, ne résonne pas moins comme un désarroi difficilement surmontable, le ‘toujours plus’ s’épuisant.
L’approche du sens, infiniment mieux partagée qu’elle ne l’a été par le passé, dessine un autre modèle de société privilégiant le bien commun, une cible à ne point manquer. Ce modèle, n’est pas seulement à imaginer ; il convient de le bâtir en se libérant des illusions de puissance suscitant les entre-soi et les communautarismes si bien décrits par le mythe de Babel : les mêmes se sont réunis pour bâtir une tour se rapprochant du ciel pour se mettre à distance de ceux qu’ils considèrent comme différents.
Ces fondations du totalitarisme demeurent fort heureusement détruites par cette interrogation : et les autres ? Pour qu’ils aient une place, un déplacement s’impose ; il relève d’un supplément d’humanité sans lequel les plus vulnérables sont confrontés à ces manques qui résistent. L’éclatement du vieillissement fait apparaître le risque avéré d’un manque de places dans les établissements médico-sociaux, ces EHPAD, nécessaires lorsque la perte d’autonomie rend impossible le maintien à domicile.
Or son ‘chez soi’, la personne âgée entend le garder comme signe de sa liberté. Il n’est pas non plus sans danger, l’isolement accélère le vieillissement et aggrave la perte d’autonomie. L’établissement médicosocial entraine aussi un syndrome de glissement sans que cette notation ne soit une critique à l’égard des soignants confrontés à des ‘patients’ dont un grand nombre est touché par des maladies neurodégénératives.
La force des marchés est impuissante devant ces situations appelant un supplément d’humanité qui n’a pas de prix pour être celui de la gratuité. L’heure n’est-elle pas de créer une coopération des services au sein des territoires, l’EHPAD devenant une plateforme de soins , un espace source, pour que ses soignants se rendent à domicile, la personne âgée étant aidée par des jeunes actifs, des retraités apportant un prendre-soin en complémentarité de l’acte de soin.
Quels n’étaient pas mon étonnement et ma joie, entrant dans une maison de personnes âgées, de rencontrer un étudiant qui, chaque samedi et dimanche matin, gratuitement, prépare les petits déjeuners en donnant du temps aux personnes qu’il sert. Son initiative fait école. C’est encore le doyen d’une université de médecine qui demande à ses étudiants de 2ème année de s’investir auprès de malades, dans une perspective de rencontre brisant la solitude. Un des projets du Président de la République est de mettre en œuvre un service national. Sans doute ne sera-t-il pas étranger à la question abordée.
Que d’ouvertures et de signes d’humanité se font jour face à ces manques, d’où ces passerelles qui se construisent pour les traverser. Le futur, dit-on, serait celui de ‘l’homme augmenté’. Et si nous commencions par veiller à bâtir une Société marquée par le respect des plus fragiles, s’éveillerait alors une humanité ‘augmentée’, un défi à relever qui ne manquera pas de susciter des enthousiasmes et des énergies nouvelles.
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